L'Effet des rayons gamma sur les vieux garçons : Histoire familiale
Scène

L’Effet des rayons gamma sur les vieux garçons : Histoire familiale

Avec L’Effet des rayons gamma sur les vieux garçons, René Richard Cyr signe un spectacle pour actrices muni de riches ressorts psychologiques et de scènes familiales explosives.

Pas étonnant que le jeune Michel Tremblay ait craqué en 1971 pour cet univers signé Paul Zindel, très proche du sien à plusieurs égards. Sa traduction est toujours de mise, peut-être parce qu’il a évité de "joualiser" à outrance et n’a pas trop cherché à transposer l’action dans le Montréal de ses Belles-Soeurs; son adaptation est profondément québécoise mais pas vraiment contextuelle.

La scénographie de Pierre-Étienne Locas est un peu écrasante – il s’agit d’un appartement dont le cadre ne nous est pas caché, juché sur ses fondations, ce qui fait beaucoup de cadres à l’intérieur du cadre de scène – mais elle évoque bien l’enfermement que s’imposent les personnages et l’oppression dont ils se sentent victimes.

Dans le rôle de Béatrice, une femme recluse, alcoolique et hystérique, mais surtout brisée par le souvenir des moqueries de ses camarades de classe, Sylvie Drapeau se donne sans demi-mesures. Son jeu dévoile un personnage complexe et souvent excessif. Des conversations téléphoniques avec des représentants de l’école de son enfance (que fréquentent ses deux filles) nous la montrent déchirée entre l’image qu’elle voudrait projeter et sa réelle inadéquation sociale, coincée entre l’arme du sarcasme (qu’elle utilise pour se protéger des assauts du monde) et sa grande fragilité. Tout cela est prodigieux, mais parfois aux limites du grotesque. Un choix contestable, parce qu’il diminue la portée dramatique du texte au profit de la couleur du personnage, ce que le reste de la mise en scène et l’esthétique générale du spectacle, plutôt réalistes, ne soutiennent pas.

Émilie Bibeau, dans le rôle de la fille épileptique de Béatrice, joue dans les mêmes zones que Drapeau, y ajoutant un souffle de candeur. Pour interpréter Mathilde, la jeune soeur de l’autre, enfant prodige qui mène des expériences sur des "vieux garçons" (ces plantes plutôt connues en français sous le nom d’oeillet d’Inde), Catherine De Léan se situe du côté de la timidité et de l’émerveillement, mais parvient mal à s’imposer. Mention honorable à Geneviève Schmidt, attachante, drôle et juste dans le rôle de Jeanine, la compétitrice de Mathilde au concours scientifique de l’école. Suzanne Marier offre des moments d’émotion vive dans le rôle muet de Mémère. Des moments de silence absolument nécessaires dans ce spectacle généralement excessif et exubérant.