Marc-Antoine Cyr : Processus de deuil
Scène

Marc-Antoine Cyr : Processus de deuil

Amitié, deuil, individualisme et crise existentielle sont autant de thèmes abordés dans Je voudrais crever, un texte de Marc-Antoine Cyr mis en scène par Reynald Robinson. On en parle avec l’auteur.

Le jour de notre entretien, Marc-Antoine Cyr s’envolait pour la France. C’est qu’il est littéralement incapable de rester en place et fait continuellement des allers-retours entre Montréal et le Vieux Continent. Normal de se laisser tenter par l’étranger quand on y est si bien accueilli: Cyr a été chaudement invité à des résidences de création à Limoges (où il est encore reçu cette année) et Strasbourg, après un petit détour par Mexico.

Solange, l’un des cinq personnages de Je voudrais crever, est d’ailleurs tout à fait comme lui. "En voyage, la vie a pas la même couleur, dit-elle. L’angoisse a moins de sens. La peur est toujours là. La peine est plus immense. Mais plus creuse. Ça réconcilie les choses ensemble." Autour d’elle, il y a aussi Luce et Sylvain, le couple nouvellement banlieusard. Et Paul, le jeune homme brisé. Mais surtout Matéo, le mourant qu’ils accompagnent de leur mieux, armés de leur amitié maladroite.

"Mes personnages ne sont que maladresse, explique l’auteur. Mais ils sont aussi plus morts que le vrai mourant. Ils vont avoir 30 ans et ressentent l’urgence d’accomplir quelque chose. Le désir de posséder une maison remplace le réel projet de vie, la soif de voyage meuble le vide de l’existence. La mort imminente de Matéo, métaphore de leur propre mort, les plonge dans ce que j’appelle "le deuil de soi pas mort". Comme s’ils devaient tuer une part de leur enfance pour aller de l’avant. Ça les force à réévaluer leurs objectifs et à remettre en question leurs rapports entre eux."

Cyr aborde tout ça avec délicatesse et douceur, comme c’est son habitude. "Je revendique la tendresse comme moteur dramatique, affirme-t-il de sa voix très calme. Je ne suis pas du genre à fesser dans le tas." Sauf que cette fois, tout de même, il admet qu’il y a une sorte d’urgence dans l’écriture, que ça donne au texte un caractère plus violent. Il a aussi laissé des zones d’ombre, des questions en suspens, sans passer par la distance poétique à laquelle il a généralement recours, de manière un peu plus crue, peut-être. Plus humoristique, aussi.

Ces énigmes, dissimulées dans les silences de Matéo, le metteur en scène Reynald Robinson y répond par des tableaux visuels et des scènes chorales. Le choeur, précisons-le, est un parti pris esthétique du Théâtre DuBunker – entre autres exploré dans Le Diable en partage à Espace Libre en 2007. "On verra se matérialiser des souvenirs de Matéo, reliés entre autres à sa mère et à la maison de son enfance, qui vont défiler autour de lui dans une véritable chorégraphie de mobilier."

C’est la raison pour laquelle la distribution compte huit acteurs au lieu de cinq. On y retrouve Hubert Lemire, Monia Chokri, Véronique Pascal, François Bernier, Christian Baril, Francesca Barcenas, Charles Dauphinais et Sabrina Bisson.