Punto Ciego : La barre haute
Victor Quijada affirme sa signature et transmet son langage gestuel à d’autres danseurs dans Punto Ciego. Le résultat est inégal mais de très bon augure.
Les supplémentaires ajoutées aux 12 représentations déjà programmées de Punto Ciego témoignent du succès populaire du Rubberbandance Group, codirigé par le chorégraphe Victor Quijada et la danseuse Anne Plamondon. Notons pour commencer que ce duo virtuose et délicieux a développé une complicité remarquable et qu’il vaut à lui seul le déplacement. Disons aussi qu’après avoir conquis le public avec une gestuelle novatrice, Quijada forge encore ses armes de chorégraphe en prenant le risque de quelques faux pas qui nous laissent voir un talent qui se déploie.
Depuis 2002, les deux créateurs ont si bien peaufiné le métissage du ballet classique, de la danse contemporaine et du breakdance que la transmission de leur langage si particulier à d’autres danseurs pouvait s’avérer délicate. Plamondon elle-même a eu besoin de temps pour intégrer les us corporels des danses urbaines… Aussi, même si les deux couples qui partagent la scène avec eux s’en tirent plutôt bien, un fossé les sépare dans leur façon d’interpréter cette danse à la fois fluide et syncopée. On sent parfois chez certains un manque d’élasticité ou de clarté dans le mouvement. C’est peut-être la raison pour laquelle Quijada s’est tenu en retrait en ne livrant pas de solo, au grand dam de ses fans.
L’intégration de ces quatre interprètes correspond à l’insertion de nouvelles sections chorégraphiques dans AV Input/Output, duo présenté en 2008, devenu sextuor d’environ une heure trente. Si le premier quart d’heure est exactement le même que l’an dernier, ce qui déçoit un peu, la suite est bien rythmée par les ajouts et file rapidement jusqu’à l’entracte. La seconde partie, en revanche, est alourdie par une intéressante scène de jeux de sofas qui découpe astucieusement l’espace, offre à chacun des danseurs une belle occasion d’expression, mais vient briser la ligne narrative de l’ensemble.
Car narration il y a. Plutôt que de nous raconter une histoire linéaire, Quijada y va de flashs pour nous offrir différentes perspectives sur le rapport à l’image et à la célébrité. La théâtralisation déjà présente dans son travail se fait plus élaborée mais d’une simplicité naïve qui frise la maladresse. Il y a là, tout comme dans l’utilisation de la vidéo, de belles idées qu’on a hâte de voir prendre de la maturité.