Le Bruit des os qui craquent : Instinct de survie
La nouvelle création du Carrousel, Le Bruit des os qui craquent, expose timidement les jeunes spectateurs au monde horrible et beau dans lequel ils vivent.
Créée dans le sud de la France en janvier dernier, la nouvelle production du Carrousel, la compagnie de la dramaturge Suzanne Lebeau et du metteur en scène Gervais Gaudreault, est dévoilée au Québec entre les murs du Théâtre d’Aujourd’hui, une institution "pour adultes" qui ouvre de plus en plus souvent ses portes au théâtre "jeune public". Avec Le Bruit des os qui craquent, on veut nous faire communier au terrible destin de deux enfants soldats. C’est plus ou moins réussi.
Pour échapper aux rebelles, comme à l’armée, tout aussi corrompue, Joseph, 8 ans, et Elikia, 13 ans, marchent courageusement dans les bois. Désorientés, affamés, assoiffés, ils arpentent la jungle dans l’espoir de retrouver le village de Joseph. Dans leur courageux périple, les deux enfants vont s’apprivoiser, renouer avec leurs instincts de survie, recommencer, graduellement, à avoir des comportements humains comme la tendresse et la solidarité.
Emilie Dionne incarne la jeune fille à qui les rebelles ont fait subir les pires violences. Véritable machine de guerre, elle a pour ainsi dire cessé d’espérer mieux, presqu’oublié sa vie d’avant. Sébastien René est le jeune garçon qui va la transformer. La mise en scène s’appuie essentiellement sur des projections. Entre les acteurs et les spectateurs, Stéphane Longpré a tendu un écran translucide où il projette arbres et végétation. Le dispositif est efficace, parfois même joli, mais rigide et redondant.
Entre les tableaux se déroulant dans la jungle, l’auteure fait témoigner Angelina, l’infirmière qui a recueilli les deux enfants, devant une commission d’enquête. Bien entendu, les propos des uns éclairent ceux des autres. Mais tout cela est un brin didactique. Jamais moralisateur, mais tout de même figé. Lise Roy incarne cette femme de bonne volonté à laquelle nous devrions nous identifier.
En somme, la représentation, le plus souvent statique, est bien loin d’épouser la grandeur de la quête des enfants soldats, l’ampleur de leur douleur et de leur soif de vivre. Alors que le texte ose nommer les mutilations, la mise en scène, étrangement, nous met à distance, nous protège. À aborder un tel sujet avec autant de délicatesse, on passe peut-être à côté de son objectif premier.