Marie Brassard : Au-delà des apparences
Trois ans après Peepshow, Marie Brassard revient au Théâtre français du CNA pour présenter L’Invisible, une oeuvre qui devrait à la fois prolonger et renouveler sa démarche.
Entre 2001 et 2005, les solos Jimmy, créature de rêve, La Noirceur et Peepshow ont été des moments forts des saisons théâtrales du Centre national des Arts. Avec L’Invisible, on serait porté à penser que Marie Brassard devrait commencer, après toutes ces années et ces succès, à ne plus douter d’elle-même. "De fois en fois, ça me rend de plus en plus nerveuse. Je sais que les attentes sont grandes et je n’ai pas la garantie que je vais pouvoir y répondre."
Berlin, la ville aux deux hémisphères, les ectoplasmes, ces émanations visibles des corps des médiums, et le canular littéraire autour de JT LeRoy, cet écrivain inventé par une femme qui cherchait le moyen d’être publiée, fournissent à Marie Brassard les sources d’une réflexion sur l’art et la création. "Quand je commence, c’est comme si je me retrouvais au milieu d’une toile immense. J’essaie de prendre des choses qui, de prime abord, n’ont rien à voir les unes avec les autres. Je me retrouve alors face à un casse-tête, un véritable chaos. Cette méthode, c’est le seul moyen que j’ai trouvé de ne pas recommencer ce que j’ai déjà fait."
Ainsi, en cours de route, la créatrice ne se gêne pas pour remettre en cause sa matière première, pour s’en distancier. "Je ne crois pas que ce soit un spectacle sur le mur de Berlin, lance Brassard, pas plus que sur JT LeRoy ou sur les ectoplasmes. Tout ça m’a amenée à un autre niveau, dans une voie où j’avais très envie de m’engager. J’avoue que l’objet qui en résulte est peut-être plus abstrait que ce que j’ai fait auparavant. Je me sens très privilégiée d’avoir des artistes qui acceptent de me suivre dans ce type d’aventure."
Les téméraires en question, ce sont le Finlandais Mikko Hynninen et les Québécois Alexander MacSween et Simon Guilbault. Avec eux, Brassard s’est employée à faire résonner des voix spectrales, à rendre visible l’invisible. "L’environnement – le décor, les éclairages et la musique – a été conçu comme s’il s’agissait d’un organisme vivant. Alors ça bouge constamment, parfois très subtilement, mais il y a toujours un mouvement, comme si tout ça était continuellement habité par un esprit."