Crystal Pite : Le côté noir de la force
Crystal Pite fait partie du cortège de 600 artistes qui débarquent pour l’événement Scène Colombie-Britannique. Dans ses bagages: la primeur Dark Matters, où elle danse avec cinq interprètes de talent.
Elle a redoré le blason des ex-Ballets Jazz de Montréal, où elle a été chorégraphe en résidence pendant trois ans; elle est artiste associée de la danse du Centre national des Arts à Ottawa, chorégraphe associée du très célèbre Nederlands Dans Theater de La Haye; elle a récolté en 2006 les 60 000 $ du prix Alcan décerné chaque année par le Vancouver East Cultural Centre… Partout où elle passe, Crystal Pite fait sensation et suscite l’engouement. Sollicitée de toutes parts, la talentueuse et prolifique chorégraphe de 38 ans a créé, l’an dernier, pas moins de trois oeuvres pour trois compagnies différentes, dont la sienne, Kidd Pivot, établie depuis 2001 à Vancouver.
"Ces dernières créations ont toutes été inspirées par les mêmes thèmes, elles se sont nourries les unes les autres et ont conduit à Dark Matters, commente-t-elle. La première traitait de la tension entre création et destruction à différents niveaux, la suivante faisait un parallèle entre les catastrophes humaines et naturelles, et la troisième portait sur la présence du doute et de l’inconnu dans ces processus."
Pour Pite, créer, c’est défricher des territoires inconnus. Avancer dans le noir entre l’excitation de la curiosité et de la découverte, et l’angoisse du doute et des incertitudes. S’en remettre à ses instincts et à ses intuitions. Pour symboliser ces forces de l’ombre, elle transforme les interprètes de Dark Matters en manipulateurs de marionnettes géantes. En les recouvrant intégralement de noir, comme dans le théâtre japonais appelé bunraku, elle cherche à les dépouiller de tout ce qui peut parasiter le sens de la danse.
"Le vocabulaire gestuel cherche à servir ce personnage de l’ombre, indique-t-elle. C’est un mélange de fluidité et d’énergie. Les mouvements sont décomposés, à la fois fluides et anguleux, avec parfois un tonus musculaire qui traduit l’agitation." Quant à cet inconnu à la fois inquiétant et stimulant, il trouve aussi sa place symbolique dans les séquences d’improvisation que la créatrice inclut toujours dans ses chorégraphies.
"Quand j’entre en studio, je commence généralement avec quelque chose que j’ai chorégraphié et que je transmets aux danseurs, histoire qu’on partage tous le même langage", explique celle qui s’entoure une fois de plus d’Éric Beauchesne, de Peter Chu et de Yannick Matthon et qui intègre deux nouvelles danseuses, Cindy Salgado et Germaine Spivey, recrutée l’an dernier au Ballet Cullberg. "Ensuite, je joue avec les combinaisons de mouvements, je les sépare, je les fragmente, je les réorganise, et ça devient autre chose. Et puis, bien sûr, il y a toujours des séances d’improvisation que je juge de plus en plus important d’intégrer à mes oeuvres."
Interrogée sur les caractéristiques de la danse en Colombie-Britannique, elle souligne la diversité des approches et l’attitude humble des créateurs, qu’elle relie à la puissance de la nature environnante. Inquiète des coupures qui réduisent de 40 % des enveloppes budgétaires déjà minimales, celle qui passe la moitié de l’année hors de la maison émet le voeu d’avoir un jour la chance de faire une tournée dans sa province natale.
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