Lorraine Hébert : Se pencher sur l'avenir
Scène

Lorraine Hébert : Se pencher sur l’avenir

Montréal accueille les Seconds États généraux de la danse professionnelle du Québec. Le point sur l’événement et ses enjeux avec Lorraine Hébert, directrice du Regroupement québécois de la danse.

C’est de notoriété publique, le milieu de la danse contemporaine au Québec a beau être des plus dynamiques et créatifs, il souffre d’un sous-financement chronique aggravé par la croissance galopante de sa population. Aujourd’hui, bien des chorégraphes portent plusieurs casquettes pour assurer la gestion de leur entreprise, bon nombre d’interprètes ont un second métier pour boucler leurs fins de mois, et les travailleurs culturels sont généralement sous-payés et surchargés de travail. La raison économique conduit autant au sacrifice de certaines visées artistiques qu’à la négligence de la santé physique et mentale des individus. Aussi grossier soit-il, ce sombre tableau est un juste reflet de la réalité.

"Nous devions chiffrer les besoins de la danse pour pouvoir faire un travail de représentation efficace et sortir de cette crise", lance Lorraine Hébert, directrice du Regroupement québécois de la danse (RQD) et instigatrice des Grands Chantiers de la danse qui ont préparé ces Seconds États généraux avec le concours de quelque 250 acteurs du milieu. "Si j’avais un désir pour la danse, ce serait qu’il y ait enfin des réponses concrètes à la sonnette d’alarme que l’on tire depuis des années. Il faudra bien finir par admettre que c’est une discipline qui coûte cher parce qu’elle est basée sur la recherche et la création et qu’elle ne générera jamais les mêmes revenus autonomes que des spectacles de divertissement grand public."

À l’heure où la crise mondiale accentue la tendance à raisonner en termes de productivité et de rentabilité, défendre la place de la danse dans la cité est d’autant plus difficile que son rôle dans les fondements identitaires de la culture québécoise et canadienne n’est pas reconnu. On oublie que nos ancêtres ont dansé bien avant de parler et que la danse crée du sens tout autant que du lien dans une communauté. "C’est un art exemplaire, un art du silence plein qui gagne à être apprivoisé, commente madame Hébert. Pour peu qu’on n’en ait pas trop peur, il nous réanime de l’intérieur, comme un massage physique, psychique et spirituel extraordinaire."

Composés d’une soixantaine de professionnels de la danse, les comités des Grands Chantiers ont planché sur cinq grands thèmes: relève disciplinaire, conditions du métier et exigences de l’art, formation et main-d’oeuvre, infrastructure et, enfin, territoires occupés par la danse. Des 150 recommandations qu’ils ont déposées après 18 mois de rencontres, d’études et de consultations diverses, une soixantaine ont été sélectionnées par un comité directeur pour être débattues publiquement lors des États généraux. Artistes, diffuseurs, travailleurs, enseignants, théoriciens, fonctionnaires et autres observateurs y sont attendus.

Cette occasion unique d’échanges intersectoriels et intergénérationnels devrait renforcer le milieu et l’inviter à se solidariser pour mieux structurer la discipline et optimiser l’usage de ses ressources actuelles. Quant au RQD, il en tirera les fondements d’un plan directeur décennal pour la danse et une plus grande force de représentation auprès des pouvoirs publics.