Je voudrais crever : Rite de passage
Avec Je voudrais crever, le Théâtre DuBunker offre une expérience réconfortante dans le meilleur sens du terme, un spectacle sur la mort… plein de vie.
La troisième production du Théâtre DuBunker, une compagnie formée d’anciens étudiants du Conservatoire d’art dramatique de Montréal, se déploie ces jours-ci entre les murs des Écuries, un nouveau lieu de représentation qui lui sied parfaitement. Huit comédiens dirigés par Reynald Robinson portent avec conviction un texte de Marc-Antoine Cyr intitulé Je voudrais crever.
Mateo se meurt. On ne saura jamais vraiment de quoi. Autour de lui, il y a des visiteurs, des êtres souffrants, des hommes et des femmes en sursis. Eux aussi. Cinq amis dans la vingtaine. Solange voyage comme on fuit. Paul digère tant bien que mal une rupture amoureuse. Luce et Sylvain, faute de s’aimer, s’absorbent dans l’achat d’une maison. Autour d’un lit d’hôpital, les membres du groupe vont devoir entrer dans ce qu’on appelle l’âge adulte. Vous vous en doutez, il y aura quelques soubresauts. Chacun parle de ses blessures, de ses désillusions et, l’air de rien, de sa peur de mourir, de sa peur de voir toute chose, petite ou grande, se terminer, trouver une fin. On s’intéresse bien peu à Mateo, mais en réalité, c’est lui, sa maladie, son départ imminent qui déclenche ce nécessaire rite de passage.
La partition de Cyr n’est pas sans faiblesses. Il y a des moments de banalité, de quotidienneté, parfois même quelques blagues faciles, mais il y a surtout des moments de nostalgie, des souvenirs d’enfance qui refont surface avec une étonnante justesse. L’amour d’un fils pour sa mère, notamment, est rendu palpable à coups de mots et de silences soigneusement choisis. Cela dit, il faut admettre que la mise en scène de Robinson est pour beaucoup dans le charme du spectacle. Comme il l’avait fait pour Le Diable en partage, un texte de l’auteur français Fabrice Melquiot présenté par la même équipe à Espace Libre en 2007, le créateur opte pour la choralité et le chant.
Les comédiens forment un choeur de présences, portent des objets, poussent des meubles, décrivent des cercles autour du mourant comme des planètes autour d’un soleil. C’est de toute beauté. Quand ils entonnent, en solo ou en groupe, Trois petites notes de musique, Le Temps des cerises, When I’m Gone, Time After Time et surtout Gracias a la vida, on a la chair de poule. À la mort, inévitable, la représentation oppose les souvenirs, impérissables, et l’amitié, précieuse. En somme, un spectacle qui fait du bien à l’âme.
À voir si vous aimez /
La Fête sauvage de Mathieu Gosselin et Je voudrais me déposer la tête de Jonathan Harnois