José Navas : Le silence de Navas
Les Anatomies de José Navas qui ont été présentées le 23 avril à la Rotonde, en première d’une série de quatre représentations, sont tout sauf médicales.
Il régnait sur scène et dans la salle un silence éloquent, alors que les cinq interprètes vêtus de simples slips blancs se tenaient droits de chaque côté d’un carré blanc au sol qui servait d’unique décor, blanc qui a laissé place à toute une palette de couleurs au gré des tableaux, grâce aux éclairages enveloppants de Marc Parent.
Il y a dans cette nudité que José Navas nous présente sur scène quelque chose d’infiniment pudique et de délicat, une douceur qui contraste avec l’étalage de peau auquel la société moderne nous a habitués – un état qui rappelle la vulnérabilité de l’homme nu devant la nature et Dieu. Les interprètes (Hanako Hoshimi-Caines, Lindsey Parker, Eldon Pulak, Lauren Semeschuk et Navas), extrêmement précis et élégants jusqu’au bout des doigts, offrent humblement leur corps à la danse, et leurs mouvements, grâce au génie chorégraphique de Navas, font sens et émeuvent sans que le besoin d’artifice, d’histoire ou de costume se fasse sentir. Un univers autoréférentiel, où le mouvement existe pour le mouvement – oui, Monsieur Navas, vous avez réussi, sans l’ombre d’un doute.
Divisée en cinq tableaux – nommés Anatomy I, II, III, IV, V -, la pièce explore le corps en mouvement sous toutes ses coutures; bras et jambes à angles droits qui serpentent l’instant d’après en courbes voluptueuses, pivots, ralenti et accéléré. Le troisième tableau, magnifique, présente un duo entre les deux danseurs masculins, où l’un manipule le corps de l’autre en lui répondant comme un miroir, le tout exécuté avec finesse. Parfois, surtout lors du tableau final où les danseurs s’effleurent légèrement et provoquent des mouvements chez les autres, il semblerait que les corps flottent en apesanteur, à mille lieues sous les mers.
Avec la musique envoûtante et organique d’Alex MacSween – qui a isolé les voyelles et consonnes prononcées par les danseurs -, Navas travaille avec une matière brute et réussit à la transformer poétiquement et en toute humilité, pour faire apparaître, dans toute sa grâce, l’art. Un grand moment d’humanité en clôture de la saison 2008-2009 de la Rotonde, à voir absolument à la Salle Multi jusqu’au 26 avril.