Marie-Josée Bastien : Sur la route
La voiture, lieu de tous les possibles? C’est la prémisse de Transcanadienne, P.Q., pièce écrite et mise en scène par Marie-Josée Bastien et Stéphan Allard à l’invitation du Nouveau Théâtre Expérimental.
On se doutait bien que Marie-Josée Bastien, pourtant basée à Québec, finirait par atterrir au NTE. Depuis quelques années, on la voit flirter allègrement avec Espace Libre et ses compagnies résidentes. Elle était notamment de l’aventure de Rabelais en 2005, une production du NTE, et de L’Énéide en 2007, une production des Trois Tristes Tigres. L’an dernier à Québec, au Théâtre de la Bordée, sa mise en scène de Richard III montrait d’incontestables parentés esthétiques avec le travail du NTE, par son utilisation de la vidéo et des objets comme par le ton franchement ludique de l’ensemble.
Elle se sent chez elle à Espace Libre, et comme tout le monde dans les corridors de ce théâtre, elle est hantée par le fantôme de Jean-Pierre Ronfard. Elle en parle avec la même admiration, pendant que se dessine sur son visage un large sourire d’où percent les souvenirs heureux. "J’ai joué avec lui à ma sortie de l’école. J’ai été happée par sa vision du théâtre, son désir de se compromettre dans la création et de rechercher le vertige."
Elle a voulu suivre ses traces, portant à la fois les chapeaux d’auteure, de comédienne et de metteure en scène. Des rôles qu’elle partage cette fois avec un complice de longue date, Stéphan Allard, même si c’est la première fois qu’ils écrivent et mettent en scène ensemble. Ils se plaisent à tout faire en même temps, "ce qui demande une grande rigueur", mais leur impulsion d’acteur reprend rapidement le dessus. "C’est merveilleux parce qu’on a la chance de s’écrire des scènes qu’on a profondément envie de jouer. On travaille dans un climat d’extrême liberté."
Il en résultera un spectacle à tableaux dans lequel la voiture est remuée dans tous les sens. Et cela, au propre comme au figuré; le décor est modulable et permettra d’alterner les perspectives. Bastien, qui passe une bonne partie de sa vie à rouler entre Québec et Montréal, est bien placée pour savoir que le "char" a un immense potentiel dramatique. "On s’est dit que la voiture était le lieu de tous les possibles, et on a "flyé" sur cette idée. Pour unir nos tableaux, on a aussi imaginé un personnage de garagiste qui a une connexion bien particulière avec les "chars"."
Pour s’inspirer, ils ont aussi puisé chez le psychiatre Carl Gustav Jung, qui a introduit la notion d’inconscient collectif et identifié les neuf pulsions de vie (l’abandon, la gratitude, l’envie, le narcissisme, la jalousie, l’amour, la séduction, la haine et la dépendance). Ils se sont amusés à analyser les attitudes reliées aux positions dans la voiture, à pousser à l’extrême certaines situations typiques de l’automobile, de sorte que la pièce devrait présenter un portrait assez complet de l’humanité sur la route. "Dans ce petit habitacle, les pires chicanes de couple surviennent comme naissent les plus formidables amours. On y fait des projets, des listes, des bébés: les possibilités sont infinies." Prêts pour le départ?