Amadeus : Vis-à-vis
René Richard Cyr propose un Amadeus efficace, rondement mené, bien joué et plein de justesse, mais légèrement convenu.
La pièce de Peter Shaffer est ramenée à son essence sous la plume de René Richard Cyr. Rien à redire sur son adaptation, qui resserre les événements et raconte le duel Mozart-Salieri sans fioritures, utilisant à bon escient le principe de la narration-confession auquel s’attachait Shaffer. Dans la Vienne du 18e siècle, le succès du compositeur Antonio Salieri (imposant Michel Dumont) est menacé par l’arrivée d’un jeune prodige, nul autre que Wolfgang Amadeus Mozart (Benoît McGinnis), que Salieri combattra jusqu’à l’anéantir. Événements qui nous sont racontés par un Salieri vieillissant et fantomatique, reprochant toujours à Dieu d’avoir donné à Mozart le génie et la désinvolture qu’il n’a jamais possédés.
Sur une scène épurée et son plancher noir parfaitement lustré, tel un miroir magnifiant les ombres de ces légendaires personnages, quelques meubles et une marée de bougies suffisent à évoquer la splendeur des lieux (scénographie d’Olivier Landreville). Surtout, la scène rappelle l’état de désolation dans lequel se trouve Salieri au moment où il raconte l’histoire, à la fin de sa vie, comme elle donne au spectacle des airs de cérémonie. Dans le vaste espace, toute l’attention est dirigée vers le jeu et les personnages, dont les déplacements sont orchestrés avec justesse et pertinence, selon leur position hiérarchique ou leur situation vis-à-vis de Mozart et Salieri. On ne saurait contester ces choix de mise en scène, dont la clarté est bel et bien au service du récit, mais on ne peut s’empêcher de regretter la sagesse et l’austérité de l’ensemble, ou le manque de personnalité de la proposition.
Cyr a toutefois mis du sien dans le personnage de Mozart, ici vraiment très coloré, dans une volonté claire de marquer le contraste entre le jeune virtuose et son aîné. Comme il l’avait fait avec Sylvie Drapeau dans L’Effet des rayons gamma sur les vieux garçons plus tôt cette saison, il a dirigé McGinnis vers un jeu plus démonstratif, dissonant, versant dans l’excès et les effets comiques. L’idée est cette fois bien plus porteuse: le contraste apparaît plus fort dans l’univers grave et solennel d’Amadeus que dans l’esthétique réaliste et surchargée du spectacle précédent. Sans compter qu’il y a bien quelque chose de musical dans les joutes verbales opposant Mozart, avec sa voix haut perchée, et Salieri, au timbre plus profond, ce qui est fort à-propos.