Félix Beaulieu-Duchesneau et Sandrine Cloutier : Renaître de ses cendres
Scène

Félix Beaulieu-Duchesneau et Sandrine Cloutier : Renaître de ses cendres

Le Nid, première pièce écrite à quatre mains par Félix Beaulieu-Duchesneau et Sandrine Cloutier, convoque le feu, l’amour et les oiseaux. Rencontre.

Le feu. Il rase tout sur son passage et force la reconstruction. C’est de ce feu, à la fois dévastateur et régénérateur, que Sandrine Cloutier et Félix Beaulieu-Duchesneau, un couple dans la vie comme dans la fiction, ont fait l’expérience il n’y a pas si longtemps. "Quand tu te retrouves dans la rue en pyjama après un incendie, explique l’acteur, tu sens que tu vis quelque chose d’absolument tragique et en même temps tu te dis que tout est possible. Tu n’as plus d’attaches et tu renoues avec ta nature propre." Approuvant d’un geste de tête, sa compagne ajoute que l’incendie, soudainement, bouleverse les priorités. "Pour nous, l’urgence de faire des enfants s’est imposée. Parce que l’incendie nous a posé la question des traces qu’on désire laisser après notre passage. A-t-on vraiment mis de l’énergie dans les choses les plus importantes jusqu’à maintenant? Sur quoi devrait-on "focuser" pour ne pas se perdre ou s’oublier?"

Des questionnements bien réels, mais qu’ils ne voulaient pas aborder de manière crue et directe. Pas vraiment intéressés à mettre en scène les mouvements de leur vie de couple, ils ont pourtant ressenti le besoin d’en parler. En bon membre fondateur du Théâtre Qui va là, Beaulieu-Duchesneau est fasciné par le jeu clownesque et par le théâtre d’objets; lui et sa compagne ont donc imaginé l’histoire de Phoenix et Cassandre, couple d’ornithologues qui se réveillent dans les ruines de leur cabane incendiée et retracent une part enfouie d’eux-mêmes à travers la cendre et les débris. Un parcours ludique parmi les objets et la saleté, par des personnages plus grands que nature, obnubilés par leur amour des oiseaux et leurs ambitions démesurées. Voilà qui allait leur permettre de prendre la parole.

"C’est comme si la poésie ou l’imaginaire nous donnaient la légitimité de parler, explique Cloutier. On prend position sans mettre notre poing sur la table." Pas question d’imposer un point de vue, semble dire le couple d’artistes, même s’ils veulent vraiment brasser la cage. "La fable reste ouverte, précise-t-il. Mais il y a des thématiques fortes. On veut parler de l’ambition, de ses limites. Cassandre et Phoenix veulent exister par leurs aspirations, mais ça les brûle. Elle veut sauver les oiseaux d’une réserve qui serait menacée, elle se prend pour Dieu ou pour Mère Nature, alors que lui cherche à prouver l’existence du phénix, un oiseau éthiopien légendaire, comme s’il était investi, par son nom même, d’une mission suprême; il cherche à devenir une légende."

Pour accentuer la dimension imaginaire de leur spectacle, ils ont fait appel à Jacques Laroche, spécialiste du jeu clownesque et de la marionnette. À la manière de Jacques Lecoq, maître incontesté du théâtre gestuel et du mouvement, il les a encouragés à puiser dans leur personnalité pour créer leur personnage, à chercher le clown en eux. "On n’a pas forcé les choses, explique Beaulieu-Duchesneau, on fait du clown intimiste. Igor Ovadis, à l’école de théâtre, nous disait de trouver la réalité de notre super-fantaisie. Cette phrase nourrit beaucoup le travail qu’on fait."