Mycologie : Perte de sens
Scène

Mycologie : Perte de sens

Drôle d’objet, ce Mycologie, nouveau délire de Stéphane Crête sous la bannière de la compagnie Momentum.

Un spectacle déroutant, qui nous invite à l’ouverture et l’exploration de l’inconnu, mais rate la plupart du temps sa cible et ne parvient pas à se prendre au sérieux. Le récit de Mycologie est improbable, touffu et, disons-le, sans queue ni tête. Ça ne devrait pas freiner notre intérêt, car aux dires mêmes du metteur en scène Stéphane Crête, l’histoire n’est que prétexte à un plongeon dans les arcanes sacrés du champignon. On dirait bien pourtant que l’homme s’est laissé piéger par le désir, tout à fait nouveau chez lui, de raconter une histoire, et s’est retenu d’entrer dans le vif du sujet.

Devant son spectacle, on ne quitte jamais notre position de spectateur affamé de récit et de divertissement, ne s’intéressant qu’artificiellement aux mystères du champignon. L’intrigue prend beaucoup de place et occupe toute notre attention, substituant bien souvent l’anecdote et la dérision à la métaphysique ou aux symboles. Un exemple? Après un "trip de mush", les corps de MOI (Marc-Olivier Iglesias, animateur d’émissions de cuisine interprété par Guillaume Chouinard) et Marco (Stéphane Demers) sont interchangés. Expérience transcendante s’il en est une, que le narrateur (Gilles Renaud) interroge avec une grande acuité. "Que reste-t-il de soi quand on ne porte plus la même enveloppe?" demande-t-il. La question est posée mais aussitôt escamotée, la scène servant ensuite de prétexte à des blagues juvéniles sur la grosseur du pénis de Marco, lequel phallus devient le principal centre d’intérêt du personnage pendant plusieurs scènes. On reconnaît là l’humour et l’ironie caractéristiques du travail de Crête, mais tout cela est ici fort parasitaire, réduisant l’expérience mystique du champignon et la mythologie qui l’entoure à quelques considérations superficielles.

Peut-être Crête aurait-il aussi gagné à ne pas jeter tous ses oeufs dans le même panier. De la mycose à l’hallucination, en passant par les vertus de la pensée positive et les ramifications de l’inconscience, le sens s’égare et s’effrite plus qu’il ne se clarifie; il y a abondance de signes mais peu d’approfondissement. Le même constat s’applique au choix d’alterner les niveaux de jeu. Le rendu est bien souvent jouissif, mais ne contribue finalement qu’à la confusion et à l’éparpillement. Dommage.