Yasmeen Godder : Le sentiment de soi
Yasmeen Godder s’impose depuis 10 ans en Israël avec des oeuvres qui questionnent la danse et la représentation. Le FTA nous invite à découvrir son travail avec le quintet Singular Sensation.
Qui suis-je réellement? Existe-t-il un moi clair et authentique derrière le masque des apparences et de la séduction? Voilà les questions fondamentales que l’Israélienne Yasmeen Godder met en mouvement dans Singular Sensation. "Quand tu grandis avec une identité et que tu quittes ton pays, la compréhension de qui tu es est grandement remise en question, explique l’Israélienne revenue au pays après une douzaine d’années d’exil. Tu comprends que l’identité n’a pas juste à voir avec la culture, et cette idée est très présente dans mes pièces, même si ce n’est pas toujours de manière aussi directe que dans celle-ci."
Partie pour New York à l’âge de 11 ans, Godder y suit des études en danse contemporaine, contact-improvisation et performance, qu’elle entrecoupe d’un séjour en Israël pour y faire son service militaire. En 1999, elle revient s’ancrer en terre natale. Elle a 26 ans et reçoit d’emblée le soutien d’un festival de Tel-Aviv qui lui commande six oeuvres consécutives. Gagnante d’un Bessie Award à New York en 2001, elle cumule prix et bourses en Israël et y fonde le Yasmeen Godder Studio. Appuyée depuis 10 ans par le dramaturge Itzik Giuli, elle remet en question les codes de la représentation et les relations que peuvent entretenir les performeurs et le public.
"Dans cette pièce, par exemple, je joue sur la notion de voyeurisme en entretenant un flou chez le spectateur qui ne sait plus trop s’il assiste à un spectacle ou s’il regarde quelque chose qu’il n’est pas supposé regarder", commente l’artiste de 36 ans. Sur scène, trois femmes et deux hommes cherchent à retrouver cette sensation singulière d’être pleinement soi, une sensation qu’ils ont un jour ou l’autre ressentie. Pour cheminer dans cette quête de vérité, ils passent par toutes sortes de paradoxes, dont ceux du narcissisme exacerbé et de la séduction à tout prix. L’espace blanc et épuré devient la toile sur laquelle ils multiplient des ébauches d’autoportraits.
"J’ai toujours été très inspirée par les arts visuels, et les questions de plasticité et de matériel ont pris de l’importance dans cette pièce, affirme Godder. J’utilise divers objets pour créer des images et oser des références visuelles très larges à différentes sortes de films, de bandes dessinées… Et même si on voit un processus évoluer sur scène, je me suis mise au défi de créer une oeuvre non narrative avec une structure plus fragmentée. Au fond, je crois que cette pièce est un point de rencontre entre mon intérêt pour une recherche très physique et celui pour les arts performatifs, le travail d’installation et les matériaux."
Gardant le caractère brut d’une gestuelle de nature instinctive, la chorégraphe l’organise en un phrasé abstrait qui puisse malgré tout évoquer la thématique qu’elle aborde. "C’est toujours important pour moi de créer comme une sorte de lexique de mouvements pour chacune de mes pièces, dit-elle. Ça donne au public le sentiment de découvrir un type de langage dont il comprend peu à peu le vocabulaire." Une jolie occasion d’apprécier une nouvelle facette de la création israélienne.