Béla Pintér : D’hier et d’aujourd’hui
Le metteur en scène hongrois Béla Pintér offre L’Opéra paysan aux spectateurs du Festival TransAmériques, du théâtre musical teinté de folklore hongrois et de douce ironie.
Qu’on ne se méprenne pas. Si L’Opéra paysan emprunte bel et bien sa structure à l’opéra, il faut le considérer avant tout comme une pièce de théâtre musical. Béla Pintér insiste là-dessus. "La pièce alterne les récitatifs et les arias, comme à l’opéra, sauf que les arias sont des chansons hongroises alors que les récitatifs penchent du côté de la musique baroque. Les acteurs chantent continuellement pendant le spectacle, sans chercher à être virtuoses, mais il s’agit plutôt de théâtre, car la structure dramatique prend toujours le dessus sur la musique et le chant." Voilà qui est dit.
Opéra ou non, Pintér se soucie d’abord de raconter des histoires. Il se passionne pour le folklore de son peuple, et particulièrement pour les contes et chansons des Hongrois de la Transylvanie (petite région roumaine où les traditions hongroises survivent haut et fort). "Ce sont des histoires quotidiennes, exprimées de manière dramatique et poétique, avec de légères touches surréalistes et bien souvent une pointe d’humour noir que j’apprécie particulièrement."
Les critiques européens ont d’ailleurs tous vivement souligné son penchant pour l’ironie et la dérision. "C’est vrai, l’ironie est fondamentale dans mon travail, admet-il, comme elle l’est dans la culture hongroise. Mais il ne s’agit pas d’utiliser l’ironie pour pointer les travers de mon pays. Il y a de la critique sociale dans mes spectacles, et plus fortement dans ceux qui ont précédé L’Opéra paysan, mais ce n’est jamais mon objectif premier. Je m’inspire d’histoires personnelles, que je projette dans le répertoire traditionnel. D’ailleurs, le contraste entre le vieux et le neuf, la tradition et le modernisme, se retrouve partout dans mon travail, particulièrement dans le langage, qui est un mélange de slang contemporain et de poésie toute simple telle qu’on la retrouve dans les chants populaires." Nuances qui, espérons-le, seront bien rendues par le sous-titrage.
L’histoire que Pintér trimballe jusqu’à Montréal, c’est celle d’un mariage villageois qui tourne mal. Schéma classique: un jeune homme a malencontreusement engrossé sa petite amie, et les parents du garçon, atterrés, s’empressent d’organiser un mariage pour sauver l’honneur de la famille, et en profitent pour marier aussi leur fille adoptive. "Ultimement, c’est l’histoire de parents qui ne reconnaîtront pas leur enfant et le tueront. C’est très près de la tragédie grecque et de l’histoire d’OEdipe, bien sûr, mais partout où nous avons présenté le spectacle en Europe, le public a eu l’impression d’être placé devant son propre folklore, comme si cette histoire, tout de même très hongroise dans sa présentation, était fondamentalement la leur."
Une précision pour ceux qui seront tentés de surfer sur la Toile à la recherche de plus d’info sur le spectacle: L’Opéra paysan n’est pas, comme vous le lirez sur plusieurs sites francophones, une adaptation de L’Opéra des gueux de John Gay. "Rien à voir, insiste Pintér. Je ne sais pas pourquoi cette information circule autant."