Körper : Matière corporelle
L’Allemande Sasha Waltz présentait Körper à Ottawa avant de débarquer à Montréal pour le Festival TransAmériques. Nous y étions et vous livrons en primeur nos impressions.
Premier volet d’une trilogie consacrée au corps, Körper présente un panorama éclaté du corps vu sous l’angle de la matière. En l’espace d’une heure trente, Sasha Waltz multiplie les pistes d’exploration pour nous en révéler l’anatomie, la perception intime que certains de ses 13 danseurs en ont, et aussi pour dire comment les sociétés le manipulent et, parfois, le bafouent. Elle fait alterner des séquences figuratives où l’humour et l’étrangeté prédominent avec des sections dansées totalement abstraites où le ton se fait souvent plus grave, évoquant avec art le calvaire des juifs dans les wagons plombés et les camps de concentration, et les charniers résultant de la folie génocidaire.
Il faut dire que la pièce a été créée pour l’inauguration de Musée juif de Berlin, en 2000. L’immense mur noir planté en diagonale au milieu de la scène et la vitrine dans laquelle s’agglutinent des corps à demi nus en sont d’ailleurs un fort intelligent rappel. En plus de dynamiser l’espace, ils contribuent à l’intensité dramatique exaltée par une trame sonore d’une efficacité redoutable et par la présence exceptionnelle d’interprètes totalement investis dans les différents rôles – anonymes ou pas – qui leur sont assignés. La solide complicité qu’ils ont développée au fil des ans s’exprime pleinement dans de délicieux jeux à deux où l’on apprécie particulièrement les portés et le travail de partenariat qui flue aussi parfaitement dans les mouvements de groupe, réglés au quart de tour.
Le langage gestuel se déploie dans un lexique riche et diversifié qui donne la mesure de la maîtrise des danseurs et nous fait voyager d’un univers à l’autre. L’inventivité de Waltz ne s’arrête d’ailleurs pas là. L’ingéniosité avec laquelle elle traite de l’anatomie (des soucoupes qui deviennent colonne vertébrale et autres tours de passe-passe qui matérialisent les viscères) en est une belle preuve, de même que la façon dont elle met en scène l’imagerie mentale et les obsessions de ses interprètes-personnages.
S’il est une chose à regretter, c’est que ce fabuleux abécédaire du corps matière s’étire quelque peu en longueur après un grand temps fort de la pièce dont nous préférons vous laisser la surprise. Et l’on se demande s’il n’y a pas là deux pièces en une seule. Pas de quoi se priver d’un spectacle fascinant.
Les 23 et 24 mai
Au Théâtre Maisonneuve de la PdA
Dans le cadre du Festival TransAmériques
www.fta.qc.ca
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