Marie Chouinard : Salutation au soleil
Marie Chouinard revient à son public avec le solo Gloires du matin. Un événement attendu depuis près de 20 ans qui demeurera pourtant très confidentiel.
Pendant 12 ans, Marie Chouinard a ébloui ou stupéfié les publics de nombreux pays avec des solos aux allures de rituels où elle exaltait la poésie à la fois crue et lumineuse des instincts et des pulsions vitales. Quand elle a eu le désir d’occuper la scène simultanément en plusieurs endroits, elle a fondé sa compagnie pour créer sa première pièce de groupe. C’était en 1990. Depuis, on ne l’a plus jamais revue danser. Elle a d’abord eu d’autres priorités puis, avec le temps, la crainte de ne plus être à la hauteur s’est installée.
"Il y a un an, il est arrivé quelque chose et j’ai su qu’au mois de mai de cette année, je danserais à nouveau en solo, que ce serait le bon moment", explique-t-elle depuis Paris, où elle goûte le triomphe de son Orphée et Eurydice au Théâtre de la Ville. "Un événement m’a vraiment mise en présence de ma mort et m’a permis de me demander ce que j’allais faire puisque j’avais la chance d’être en vie. L’idée du solo s’est tout de suite imposée. C’est devenu clair, évident, facile, alors que je ne savais pas que c’était si important pour moi."
Dès lors, elle peaufine chaque jour ce solo qui sourd en elle depuis 20 ans. D’une durée de 50 minutes, il ne parle que de la danse, de la façon dont elle se construit et de la présence dont l’interprète doit faire preuve pour la livrer. Et si la chorégraphe a toujours été très à l’aise avec ce projet, l’interprète a résisté plus d’une fois à ses demandes. "Il y a eu des moments difficiles, mais maintenant, ça va mieux", confie celle qui fêtait ses 54 ans le jour de cette entrevue. "Je suis prête. Il y a une unité qui s’est recréée… C’est comme s’il y avait une espèce de paix, de tranquillité, de confiance à trouver, et à un moment ces questions-là ne se posent plus. "
La voilà donc impatiente de livrer ses Gloires du matin, fleurs qui s’ouvrent au lever du jour pour mourir le soir même, proposant trois floraisons de cette chorégraphie à l’écriture très précise, à huit heures de l’avant-midi, dans l’intimité du splendide studio de La Bibliothèque – Espace Marie Chouinard. "La différence d’un matin à l’autre, c’est justement ce qui appartient au solo et qui en fait la magie: tu peux, en même temps que tu exécutes l’oeuvre, être complètement à l’écoute de son développement et lui faire prendre une petite courbe, une petite suspension, un redoublement… Tu peux vraiment jouer avec le matériau même de l’oeuvre parce que tu la maîtrises tellement bien que tu la redécouvres et tu la recrées."
On l’a compris, ce retour se fait en marge de la scène. Chaque représentation accueillera seulement une centaine de spectateurs, qui auront le privilège d’une rencontre avec l’artiste après sa prestation. L’événement étant organisé dans le cadre d’une campagne de financement visant à combler une perte de 200 000 dollars dans les subventions à la tournée de la compagnie, le prix des places est de 250 $ et 125 $. Déjà vendu à la Biennale de Venise 2010, le solo y sera donné "dans un lieu magique, extraordinaire, un peu secret". Il devrait en être de même au Japon et à Paris, où il est aussi question de faire fleurir ces Gloires du matin, qui pourraient bien être suivies de Gloires du soir et de Gloires de nuit dans les années à venir.
Du 27 au 29 mai
À La Bibliothèque – Espace Marie Chouinard
Info: www.mariechouinardsolo.com ou 514 843-9036