Mathieu Leroux : Savoir se dépasser
Avec La Naissance de Superman, entre l’insatisfaction et le dépassement de soi, Mathieu Leroux bouscule la figure du super-héros. Rencontre.
Un solo interdisciplinaire, c’est bien ce que propose Mathieu Leroux. Pourtant, depuis sa sortie de l’École supérieure de théâtre de l’UQAM, le jeune homme a surtout montré qu’il est un gars d’équipe. Il est du collectif Les Néos, la folle troupe derrière les Pièces pour emporter, qui ont maintes fois étourdi les spectateurs du MainLine. Le premier spectacle de sa jeune compagnie, La Putto Machine, était une variation du Novecento: Pianiste d’Alessandro Baricco, pour trois acteurs et quelques marionnettes, et s’intitulait très poétiquement Les Mains libres.
Puis, idéaliste, il s’est lancé dans une expérience de création collective. Sauf qu’après une résidence de création et quelques échanges avec le public, le projet a été mis au rancart. "Trop compliqué de créer à plusieurs, sans tête dirigeante, explique-t-il. C’était long et complexe." Ça explique peut-être qu’il se soit lancé tête première dans une expérience solo. Mais il n’y a pas que ça. "J’avais envie de faire un solo depuis longtemps, sans l’assumer pleinement. Et dans le collectif qu’on a abandonné, qui tournait autour de la question du pardon, j’ai commencé à travailler un personnage qui m’est soudainement apparu très riche, que je voulais faire aller plus loin. Ça m’a donné le goût de me lancer."
Ce personnage, c’est M, un jeune homme qui, tel un super-héros, cherche à aller plus haut et plus loin que lui-même, à dépasser ses propres frontières. Et ce, à la lumière de son héritage génétique, qu’il veut interroger et déloger, en quelque sorte. Ah bon? "Ouais, répond Leroux. On dit souvent qu’en concevant un enfant, les deux parents lui transmettent le meilleur et le pire d’eux-mêmes. Je me demande quelle part de l’humain est propre à lui-même et ne résulterait pas de cette union, et puis surtout si nous ne finissons pas par nous libérer de ce que nous sommes pour construire du neuf."
Le récit de M, autobiographique dit-on, s’intéresse à ce processus d’affranchissement. Vient alors la question délicate. Leroux serait-il donc si insatisfait de ses gènes? La réponse vient du bout des lèvres. "Au début, oui, il y avait un peu de ça. Mais plus ça va, plus le spectacle s’éloigne de mes angoisses pour toucher à l’universel. J’ai lu pas mal de philosophie, et je crois que la quête de M s’inscrit dans une réflexion plus large." C’est vrai qu’à bien y penser, Freud s’est déjà penché sur cette question. Les adeptes de la théorie psychanalytique en auront pour leur argent.
Le solo, pour Leroux, ne s’envisage pas autrement que dans une perspective interdisciplinaire, et il aura recours au théâtre, à la danse, à la marionnette et aux projections vidéo. "Les mots ne peuvent pas tout dire, et certaines émotions sont bien mieux transmises par le corps ou les objets. C’est dans cette optique-là que je travaille une forme interdisciplinaire, pour que le discours soit le plus complet possible. Je me suis beaucoup inspiré de Marcel Pomerlo et de son spectacle L’Inoublié ou Marcel Pomme-dans-l’eau, mais aussi des solos technologiques de Marie Brassard."