Christian Lapointe : Ondes de choc
Scène

Christian Lapointe : Ondes de choc

Christian Lapointe met en scène Vu d’ici, une adaptation du roman de Mathieu Arsenault, qu’il signe avec l’auteur et le comédien Jocelyn Pelletier. N’ajustez pas votre appareil.

Lorsqu’on lit le roman de Mathieu Arsenault, que Christian Lapointe (C.H.S.) qualifie à juste titre de "slam politique poétique", on n’est pas étonné de constater que ce texte ait soulevé son intérêt, lui pour qui le rôle de l’artiste est de "nommer le monde dans lequel il vit, de dire tout haut ce qu’on pense tous tout bas". "Il s’agit d’un show sur le fait que le reste du monde est le dépotoir de l’Occident. Ça parle de comment les médias nous distancient de l’horreur; on déjeune en lisant sur des génocides, on soupe en regardant les nouvelles, et on arrive à manger, s’exclame-t-il. Aussi, c’est sur la façon dont nos idées ne nous appartiennent plus, dont on est formatés depuis la plus tendre enfance."

Jusque-là, on reconnaît le livre, à cette exception près: "Je crois que le spectacle est encore plus corrosif parce qu’il ne donne aucun répit; c’est une heure et demie pas de point. Ça rince et ça n’épargne personne, lance-t-il. Moi, je n’ai pas de char, pas de maison de campagne, je ne vais pas dans le Sud à forfait et, malgré tout, je fais partie de ce mode de vie. On n’y échappe pas." À preuve, il devient lui-même une image médiatique en nous accordant cette entrevue… Bref, il a voulu montrer qu’on est tous concernés, notamment en remplaçant le nom de Mathieu par celui de Jocelyn. "Ce n’est pas un personnage, mais le comédien qui parle de lui-même", précise-t-il.

Or, si ce texte va dans le sens de ses préoccupations, il l’amène également sur un nouveau terrain. "Avec Mathieu, c’était la première fois que j’abordais une parole québécoise, alors que d’habitude, je revendique le droit à une langue poétique qui n’est que pour la scène. Cette fois, on va tout comprendre ce dont il est question, mais il s’agit de tout ce qu’on ne veut pas entendre", note-t-il avec un sourire malicieux. Quant au jeu, il n’a pas changé de philosophie. "J’aime montrer la puissance de frappe que peut prendre un être humain en scène si, au lieu de faire faux, il fait vrai comme tu ne peux pas l’être dans la vie." Dans cette perspective, il a travaillé sur un mélange de slam, de fiction, de conférence et de performance, propre à rendre les différentes couleurs du texte.

Enfin, cette création marque par ailleurs une phase de transition dans sa démarche formelle. En effet, d’une esthétique léchée où rien ne dépasse, il constate être "entré dans une période plus crottée, plus sale". "Après Anky…, je suis arrivé au bout d’une affaire. Cette fois, il y a toute une mécanique, alors que Jocelyn [Pelletier] joue avec des objets qui se transforment. Aussi, 10 télés sont ploguées live sur le stage, ce qui crée d’intéressants accidents, tout en donnant un côté documentaire au spectacle. Et c’est en odorama", laisse-t-il planer, tout en espérant qu’on ne soit pas dupe de cette forme attrayante, pour s’attarder d’abord au fond.