Festival TransAmériques – 1re semaine : De toutes les couleurs
Scène

Festival TransAmériques – 1re semaine : De toutes les couleurs

La première semaine du 3e Festival TransAmériques a offert petits et grands bonheurs. Et ça ne fait que commencer…

Le bal s’est ouvert avec Transports exceptionnels, un impressionnant duo entre un danseur et une pelle mécanique offert sur la place des Vestiges des Quais du Vieux-Port de Montréal. Le Normand Dominique Boivin a chorégraphié un dialogue entre un homme, Philippe Priasso, et une machine, conduite par William Defresne, un apprivoisement mutuel. Durant 20 minutes, alors que la voix incomparable de Maria Callas s’élève, bouleversante, le danseur s’agrippe à la machine, la caresse, se niche même au creux de sa pelle. C’est d’une grande beauté.

Dans The Sound of Silence, un spectacle mis en scène par le Letton Alvis Hermanis, 14 comédiens donnent naissance à des tableaux cocasses, entrent et sortent par 5 portes sans jamais prononcer un seul mot. Ils sont jeunes, délicieusement naïfs, livrés corps et âme au désir qui coule dans leurs veines. Partout ils entendent la musique de Simon & Garfunkel, pleine d’espoir, de joie de vivre, mais aussi de mélancolie, de nostalgie. Le spectacle est un peu long, il faut en convenir, et l’entracte est résolument de trop, mais c’est chargé de poésie, truffé de symboles.

Denis Marleau a levé le voile sur sa plus récente création, Une fête pour Boris. Tout en mises en abyme et en contradictions, la première pièce de l’Autrichien Thomas Bernhard est un vrai délice. La mise en scène, pleine d’imagination, endosse l’humour de la partition, son esprit, sa critique du pouvoir, mais surtout sa richesse narrative inouïe. Sur le trône à roulettes de la Bonne Dame, Christiane Pasquier est stupéfiante de rigueur. Son souffle, son phrasé, le terrible amalgame de rires et de larmes qu’elle cultive, son incomparable intelligence du texte, tout cela nous atteint comme une lame. Ce spectacle cruel et jubilatoire sera présenté cet été au Festival d’Avignon.

Dans les moindres recoins du Monument-National, on présentait Microclimats, une ribambelle de courtes formes sélectionnées pour témoigner de l’effervescence créatrice montréalaise. Parmi les stations les plus enthousiasmantes: Le Cirque du sommeil de Carole Nadeau et Louis Hudon, superbe amalgame de vidéo et de musique en direct, et la proposition de la troupe vancouvéroise Theatre Replacement, deux comédiens qui font des miracles avec YouTube et quelques accessoires.

Avec L’Orgie de la tolérance, la plus récente réalisation de l’irrévérencieux Flamand Jan Fabre, le Festival a atteint un premier sommet. Tout simplement galvanisante, cette féroce critique de notre société de consommation, de sa tyrannie, est un coup de fouet, un électrochoc, une irrésistible démonstration par l’absurde. Grâce à neuf extraordinaires interprètes, on rit, on s’amuse, on s’emballe, on tape du pied… tout cela sans arrêter une seule seconde de réfléchir à nos comportements, à notre rapport tordu à l’art, à l’autre, au corps et à l’objet. Ce spectacle, plus près du théâtre que de la danse, plus facile d’accès que la plupart des spectacles de Fabre, nous lance, sans condescendance aucune, une question cruciale: qui êtes-vous sans votre pouvoir d’achat?

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