Philippe Lambert : Avancer vers l’arrière
Philippe Lambert dirige Gilles Poulin-Denis, auteur de Rearview, dans l’interprétation de son propre texte. Monologue d’un homme face à son rétroviseur.
Après une lecture de 15 km/h à La Petite Licorne, Philippe Lambert a été pressenti par le directeur artistique du Théâtre du Jour de Saskatoon pour en assurer la mise en scène. Entre-temps, une autre lecture a permis aux spectateurs du Carrefour 2008 de découvrir Guy, le personnage central de ce monologue, nous revenant à présent dans sa forme achevée sous le titre de Rearview. "Il fuit un geste qu’il a posé. Il roule, roule et, dans son auto, il commence à essayer de s’expliquer ce qui s’est passé pour qu’il en arrive là", observe le metteur en scène avant de formuler cette question sous-jacente: "Comment on gère un moment difficile extrême, quand on n’a plus envie de rien, mais qu’en même temps, on ressent de la colère?"
D’abord séduit par la forme de ce récit morcelé, puis par sa langue aux couleurs fransaskoises, il apprécie également son absence de prétention moralisatrice. "Derrière sa violence, on ne le juge jamais parce qu’on sait qu’il s’agit d’un jeune homme ordinaire, qui a juste perdu ses repères, qui a besoin de se comprendre", poursuit-il. Et quoi de mieux, pour retrouver son chemin, que de s’égarer sur la route? "Il va faire des rencontres; il s’arrête à une station, prend quelqu’un sur le pouce, rentre dans un petit restaurant, illustre-t-il. Tout ça le ramène à ce qu’il est en train de vivre. C’est vraiment un road-trip pour la scène, une quête existentielle avec une transformation à la fin."
À ce propos, sachez que le dénouement a changé depuis l’an dernier. Cela, dans une volonté de limpidité, ayant d’ailleurs guidé Philippe Lambert tout au long de son travail. "Compte tenu de la façon de raconter l’histoire, avec des allers et retours du présent au passé, chaque morceau du casse-tête devait être clair. Des fois, le personnage parle au public, des fois à sa voiture, des fois il nous rejoue des scènes, alors on avait à préciser ça et à trouver le ton juste, explique-t-il. Il était important que son humanité transparaisse, que ce ne soit pas qu’un gros con sans intérêt. Parce qu’au début, il est encore habité par la rage. Donc, il fallait faire sentir sa faille assez rapidement, pour que le spectateur se dise: "OK, il n’est pas juste d’une couleur, il y a autre chose."" Afin, bien sûr, de toucher et d’intriguer.
Enfin, le metteur en scène a beaucoup misé sur le son pour évoquer les différents lieux, alors que le décor représente le point d’arrivée de cette course, ce qui lui semblait logique étant donné que les événements sont relatés à rebours. Mais surtout, les images, les ambiances sonores, la mise en espace lui ont servi à créer une atmosphère intime, propice à l’interprétation de ce drame "simple et poignant", voire à l’expression de cette "parole forte et très personnelle", "car ce sont les mots, finalement, qui nous font voyager", conclut-il, heureux de constater que le public semble apprécier le périple.