Festival TransAmériques – 2e semaine : Dans tous les sens
La deuxième semaine du 3e Festival TransAmériques était résolument placée sous le signe du mouvement et de la musique.
Le chorégraphe, danseur, guitariste, chanteur et éclairagiste Frédérick Gravel a offert un florilège de ses Gravel Works, de brefs fragments chorégraphiques qui s’adressent tour à tour, tel qu’il le précise, "à la tête, au coeur et au sexe". Sur scène, en plus du polyvalent Gravel, quatre danseurs: Francis Ducharme, Ivana Milicevic, Lucie Vigneault et Jamie Wright. Leur conviction est palpable. La portion musicale, jubilatoire, indissociable de l’ensemble, est assurée par Stéphane Boucher et Hugo Gravel. Bien que tout cela soit fait sans prétention, sans le désir en vogue de provoquer pour provoquer, c’est-à-dire avec beaucoup d’humour, de dérision, il faut avouer que certains passages sont moins concluants, redondants. La formule est bonne, reste à en affiner les articulations.
Le comédien, auteur et metteur en scène Béla Pintér est une figure emblématique, avec Arpad Schilling, de l’avant-garde théâtrale hongroise. Son Opéra paysan est un enthousiasmant théâtre musical, un improbable croisement entre la tragédie grecque, la farce paysanne et la bande dessinée. Les personnages sont de véritables stéréotypes, les situations, on ne peut plus conventionnelles, et les coups de théâtre, tirés par les cheveux… mais l’ensemble est irrésistible parce que servi en musique et en chansons tziganes, avec aplomb, par des comédiens qui marchent avec un talent fou sur la corde raide qui sépare le premier et le second degré, le rêve disproportionné de l’Amérique et une vie rurale hongroise qui n’a pas que des défauts. Si on accepte de les suivre, si on admet que rien n’est plus efficace pour combattre un cliché qu’un autre cliché, on s’amuse beaucoup.
Body-Scan, c’est le nom de la nouvelle expérimentation de Benoît Lachambre. Cette fois, le chorégraphe québécois de réputation internationale croise le fer avec la Vancouvéroise Su-Feh Lee. Le résultat est bien moins accessible, définitivement plus exigeant que l’époustouflant Is You Me créé l’an dernier avec Louise Lecavalier. Les danseurs étant très attentifs à ce qui s’agite à l’intérieur d’eux-mêmes, on serait tenté de dire qu’ils offrent bien peu aux spectateurs. Chose certaine, ce n’est pas le spectacle idéal pour une initiation à la danse contemporaine. À force de faire surgir des cris primaux qui proviennent du fond de leurs entrailles, les interprètes finissent par nous donner mal au coeur. Il faut tout de même dire que le premier tiers de la représentation est chargé d’érotisme et que la finale, avec les sacs de couchage, est très belle, quoiqu’un peu longue.
Douleur exquise est le fruit d’une rencontre entre les mots de l’artiste visuelle française Sophie Calle, le langage de la metteure en scène Brigitte Haentjens et le talent de la comédienne Anne-Marie Cadieux. Un rendez-vous qui était pour le moins attendu. Malheureusement, à cette première étape de création, le spectacle dépasse rarement l’exercice de style, un déploiement de douleur sur tous les tons, une suite de "variations sur le même t’aime". On s’interroge furtivement sur l’ampleur de nos propres douleurs, mais on n’est jamais atteint, jamais ébranlé par ce qui se déroule sur scène. Dans le livre qui a inspiré la pièce, de nombreux témoignages servent de contrepoints au discours circulaire de l’héroïne. Un procédé très efficace dont la représentation se prive presque complètement. Cela dit, on sera très certainement au Théâtre de Quat’Sous en avril 2010 pour voir où en sera le spectacle.