Oh les beaux jours : Beckett sur le bitume
Scène

Oh les beaux jours : Beckett sur le bitume

Samuel Beckett aurait sûrement adoré. Oh les beaux jours prend l’affiche dans un parking près de chez vous, celui du Cinéma Charest.

Oh les beaux jours, de Beckett, ça ne se monte pas comme on veut. "Quand on achète les droits de cette pièce, on s’engage à respecter les indications très précises de l’auteur", explique la metteure en scène, Andréanne Joubert. Et parmi ces conditions, il y a celle de représenter la protagoniste, Winnie, ensevelie jusqu’à la taille dans un désert. Québec n’étant pas garnie en dunes de sable, la metteure en scène a fait ce lien: en ville, ce qui s’apparente le plus à un désert, c’est un stationnement, "et celui du Cinéma Charest offre une super vue sur la basse-ville; il est orienté nord-ouest, alors on a une bonne partie du coucher de soleil pendant le spectacle".

Et jouer sur le macadam, pour l’équipe du Théâtre de La Griffe, c’est aussi rapprocher cette pièce-là de notre quotidien. "Oui, c’est un texte absurde et philosophique, mais au fond, c’est l’histoire d’une femme qui traverse ses journées du mieux qu’elle peut, elle fait son gros possible, comme madame Tout-le-Monde, en parlant à son compagnon de vie, en s’accrochant à quelques objets, à ses souvenirs."

Si on dressait un palmarès des grands rôles féminins du théâtre contemporain, la Winnie de Beckett trouverait sûrement le haut de la liste. "C’est 1h30 de texte à apprendre et à livrer en étant ensevelie jusqu’à la taille, puis jusqu’au cou." Parlez-en à Andrée Lachapelle, qui a défendu le rôle l’automne passé dans la mise en scène d’André Brassard. Une production qu’Andréanne Joubert n’a pas vue. "Mais même si je l’avais fait, je ne serais pas allée chercher des idées ni valider les miennes. C’est sûr que ça va être différent, ne serait-ce que parce que notre équipe est d’une autre génération et qu’on joue dans un stationnement!"

Différent aussi parce que le hasard devient presque un troisième personnage. "La comédienne doit composer avec les bruits de la ville, les camions de pompiers, le sol qui vibre quand les autos passent." Une sorte de scénographie involontaire qui s’ajoute à celle prévue par l’artiste en arts visuels et danseuse Julie Pichette, qui a composé un décor qui intègre l’aluminium, les tissus et, évidemment, l’asphalte. "Avec tous les travaux de construction qu’il y a ces temps-ci, on n’a pas eu de misère à en trouver", s’esclaffe la metteure en scène.