Francis Veber : Savoir jouer ses Pignon
Scène

Francis Veber : Savoir jouer ses Pignon

Francis Veber échangera avec le public à l’occasion d’une soirée de projection de La Chèvre et du Dîner de cons. En attendant vos questions, il répond aux nôtres.

À l’invitation du Grand Rire, Francis Veber a accepté de nous rendre visite. "Je viens pour le plaisir, lance-t-il d’emblée. C’est la première fois que ça m’arrive parce que, d’habitude, quand un auteur ou un metteur en scène se déplace, c’est pour vendre quelque chose." Or, nul besoin de promotion pour La Chèvre (1981) et Le Dîner de cons (1998), devenus des classiques de la comédie.

Une longévité dont il se réjouit "parce que personne n’a idée du point d’interrogation qu’est la création, explique-t-il. Quand vous vous mettez à écrire, vous ne savez pas si vous allez être drôle. Ce qui fait que quand, un peu partout dans le monde, votre enfant est bien accueilli, c’est incroyable!" Imaginez son "éblouissement" lorsqu’il reçoit une cassette du Dîner de cons joué par des Chinois ou qu’il apprend que les enfants se traitent de Pignon dans les cours de récréation…

Inspiré d’un sujet de nouvelle américaine, où la NASA utilisait des malchanceux, qui "se prenaient les pieds dans tous les tapis, glissaient sur toutes les peaux de banane", afin de répertorier les dangers de planètes inexplorées, La Chèvre applique un principe aussi simple que redoutable: "pour retrouver un malchanceux, prenez un malchanceux [Pierre Richard]". Tandis que, dans Le Dîner de cons, "un méchant invite un con [Jacques Villeret] à un dîner, mais en même temps, il a un tour de reins et sa femme le quitte. Donc, il se retrouve avec pour unique confident le type qu’il a invité pour sa connerie".

En ressort un florilège de situations toutes plus drôles les unes que les autres et portées par "deux grands Pignon". "Villeret était un personnage de dessin animé; il apportait quelque chose de plus au film parce qu’il "cartoonisait" ses rôles, observe-t-il. Pierre Richard, lui, était le distrait par excellence, un personnage d’une autre planète. Il débarquait sur terre et il avait toujours l’air un peu mal à l’aise."

Car il a beau jouer François Perrin, ce dernier n’en demeure pas moins un Pignon. "C’est le même", précise-t-il, en parlant du héros de L’Emmerdeur, du Jouet, de La Chèvre, des Compères, des Fugitifs, du Dîner de cons, du Placard et de La Doublure. "Au départ, il s’agit d’un petit homme dans la foule à qui il arrive une aventure à laquelle il ne s’attendait pas et dont il ressort grandi. En général, ça raconte une revanche du faible sur le fort."

Enfin, comme La Chèvre et bien d’autres avant lui, Le Dîner de cons fera l’objet d’un remake américain, dont la sortie est prévue pour octobre. "Vous n’avez pas d’influence, prévient-il. Ils s’emparent de l’oeuvre et font leur cuisine." Quant au résultat, il juge que presque tous les remakes auxquels ses films ont donné lieu étaient "ratés". "Ils commettent une erreur énorme quand ils prennent un texte, c’est-à-dire qu’ils veulent l’enrichir, note-t-il. C’est grave parce que c’est comme si vous aviez du foie gras et que vous ajoutiez de la chantilly…" Reste à espérer, comme lui, un minimum d’"améliorations".

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FAIRE LE CON

On pourra aussi voir Le Dîner de cons sur scène, alors que la pièce revient pour une troisième saison, après une quarantaine de représentations à la grandeur de la province. "Ça a été une belle tournée, bien reçue partout, commente Nicolas Létourneau, qui y joue François Pignon, aux côtés d’Emmanuel Bédard dans le rôle de M. Brochant. À Sherbrooke, soirée de tempête, on a eu 1200 personnes. En Abitibi, c’était la folie furieuse!" Il faut dire qu’ils ont de l’or entre les mains. En même temps, s’attaquer à une telle légende place la barre très haut. "C’est insoutenable!" lance-t-il en riant. Déjà, au début du Théâtre Voix d’Accès, ils voulaient monter cette pièce, mais la pression aurait été trop forte. Fraîchement sorti du Conservatoire, Nicolas Létourneau préférait prendre de l’expérience. "Jamais je ne ferai oublier Jacques Villeret, c’est impossible. Ce gars-là a créé le con définitif, constate-t-il. Mais je crois que les gens le voient un peu en moi et qu’ils apprécient ce que je fais du personnage."

Cet été, ils sont donc de retour avec un spectacle bien rodé et un nouveau Cheval, Hugues Frenette. "On sait ce qu’il faut faire pour que ça fonctionne, poursuit-il. Une extrême stabilité est apparue sur le plan de l’humour." Cela dit, il promet également "un peu plus de folies sur scène". "C’est sûr qu’après 116 représentations, il faut que tu trouves le moyen de t’actualiser, alors Emmanuel et moi, on essaie de se provoquer un peu, de se surprendre", indique-t-il, en soutenant que leur plaisir est contagieux.