La danse au 19e Festival Fringe de Montréal : Réservé aux amateurs
Le 19e Festival Fringe de Montréal ne passera certainement pas à la postérité pour ce qui est de sa programmation en danse. Les créations y sont bien trop souvent sans consistance.
Difficile de miser sur des valeurs sûres dans la programmation danse du Fringe, vous avait-on avertis dans notre présentation de cette nouvelle édition. Cette discrète mise en garde a malheureusement été justifiée par les spectacles que nous avons vus dans les premiers jours du Festival. Après la riche période du FTA et de l’OFF.T.A., la légèreté, la délinquance et la provocation qui caractérisent l’esprit du Fringe apportent un salutaire vent de fraîcheur si, et seulement si, les oeuvres sont conçues avec un minimum de rigueur intellectuelle qui leur donne une portée artistique.
Ce n’est certainement pas le cas de Perverts!, avec laquelle le collectif queer londonien PanicLab prétend sortir notre libido de la torpeur où le moralisme, galopant nous dit-on, la maintient. Se proposant de dénoncer l’opprobre dont sont victimes les libertins aux pratiques jugées non respectables, deux hommes et deux femmes nous livrent une sorte de mauvais porno qui lasse et vide bien plus qu’il ne nourrit ou ne suscite la réflexion. La danse ne semble y être qu’un prétexte pour se mettre en scène et réaliser un fantasme groupal au détriment du public.
Dans un tout autre style, avec son enfilade de gentilles caricatures des travers chez les jeunes filles en fleurs, Dancing in My Unbirthday Suit fait oeuvre d’excellent divertissement pour adolescents mais peut aussi s’avérer d’un ennui mortel. Dans cette comédie très théâtrale, les gags sont des échos de déjà-vu et la danse se résume à des chorégraphies de plateau de télévision souvent réalisées à l’unisson. Bien que son emballage soit coloré et réalisé avec soin, ce cadeau de non-anniversaire que nous offrent les trois créatrices-interprètes montréalaises d’Inertia Productions est plutôt insipide.
Avec DreamCatchers, les États-Uniennes d’inFluxdance présentent une danse-théâtre où la parole occupe une place importante et à laquelle elles intègrent la vidéo. Campant les personnages d’une activiste végétarienne, d’une ballerine et d’une alpiniste faisant face à un vendeur de rêve qui apparaît, tel un gourou, dans une immense télévision, elles introduisent une intéressante réflexion sur ce qui nourrit les rêves et nous pousse à les réaliser. Dans cette création, on regrette que le verbe soit plaqué sur le geste sans jamais être vraiment incarné, de même que la faiblesse de la performance technique, qui semble perdurer au fil des années.
La pauvreté du vocabulaire gestuel est ce qui frappe dans A Line in the Sand, interprétée par six danseuses de la compagnie The Lightbox Project. La chorégraphe Laurel Roppelt y explore trois aspects de la culture albertaine: la danse en ligne qu’elle interprète en solo avec un musicien sur scène, les paysages industriels qu’elle peint avec des danseuses métalliques et une danse robotique, et l’immensité des prairies brûlant sous la chaleur de l’été. Si elle parvient malgré tout à charmer dans ce dernier tableau, c’est grâce à l’usage de grandes quantités de cette matière magique qu’est le sable.
Dans le contexte de cette programmation qui, rappelons-le, est totalement aléatoire, certaines productions se démarquent par une vision et une démarche qui, aussi mal assurées soient-elles encore, sont déjà bien visibles. C’est le cas de Slinky, de Mandoline Hybride, dont nous avons vu la précédente mouture à Vue sur la relève. Jonglant parfois maladroitement avec la danse, le théâtre, la musique et la vidéo, cette pièce recèle quelques jolies trouvailles et de belles surprises.
C’est aussi le cas de Congestion artérielle à l’index, toute première production de Bordels associés, une autre compagnie de Montréal qui réunit trois chorégraphes dont deux sont en scène. Elles sont accompagnées de trois danseuses issues de LADMMI qui contribuent pour beaucoup à la qualité de cette oeuvre par leur présence particulière et constante. Elles soutiennent en effet la cohésion fragile d’une courtepointe de pièces que les chorégraphes ont créées sans se concerter et qu’elles ont assemblées avec art. Toujours très fluides, les transitions entre les scènes sont particulièrement facilitées par un usage parfois original de la vidéo.
Parmi les quelques spectacles qu’il nous reste à voir, la cinquième édition de Piss in the Pool nous réservera sans doute également quelques déceptions mais nous promet aussi quelques instants de grâce. L’intérêt majeur de ce spectacle de deux heures est qu’il se déroule dans l’espace inhabituel du Bain St-Michel et que les sept chorégraphes invités par le collectif Wants&Needs doivent se limiter à des créations de 10 minutes ou moins. Par petites bouchées, la danse passe toujours bien.