Festival de théâtre de rue de Lachine : Sur le bitume
Scène

Festival de théâtre de rue de Lachine : Sur le bitume

Les cofondateurs du Festival de théâtre de rue de Lachine, Rémi-Pierre Paquin et Philippe Gauthier, ont concocté une programmation éclatée pour la deuxième édition de l’événement né des cendres du festival de Shawinigan.

Outre La Fabrique, événement majeur plongeant le trio We Are Wolves et la compagnie hollandaise Doedel dans un irréductible brasier (lire à ce sujet l’article de mon collègue Olivier Robillard Laveaux dans la dernière édition de Voir), le Festival propose des découvertes de coin de rue, des formes théâtrales moins tape-à-l’oeil mais très variées. N’empêche qu’on peut toujours s’amuser à chercher dans la programmation une ligne directrice. En début d’entrevue, on fera d’ailleurs remarquer aux deux fondateurs que plusieurs spectacles proposent des formes très narratives, contrairement à la tendance d’éclatement et de rejet du texte qui caractérise souvent le théâtre de rue.

MICROCOSME MERVEILLEUX

Pour ceux qui ne jurent que par les récits, le choix est vaste. En tête de liste, la compagnie No Tunes International débarque de Marseille avec Les Noceurs et Rendez-vous, des déambulatoires intimistes où règne la franche camaraderie. "Dans Les Noceurs, explique Paquin, on suit des fêtards, à la fin d’une soirée arrosée, qui parlent de femmes et d’amour. Mais ce qui nous a sidérés, c’est leur utilisation du lieu, ils vont jusqu’à envahir la maison d’un résident." On prêtera aussi attention à Tragédie microscopique, opus 7, une fable héroïque et sanglante jouée avec des figurines. "C’est comme un microcosme merveilleux", dira Paquin, reprenant là une expression qu’il chérit. Le nouveau solo de Fabien Cloutier est tout aussi merveilleux, si l’on en croit nos interlocuteurs. "On a tripé sur Scotstown, son spectacle de conte urbain, raconte Gauthier, alors on lui a demandé de créer quelque chose pour nous." Il arrive avec Le Sens de la vie, une sorte de conférence-théâtre sur la recette du succès.

Si le duo Paquin-Gauthier aime bien les histoires, on les sent vraiment fébriles quand vient le temps de parler des spectacles performatifs. "On a toujours eu un parti pris pour les trucs éclatés, confessent-ils. C’est par là que la rue prend une autre dimension." Que nous réservent-ils? "Une performance musicale de l’Orchestre d’Hommes-Orchestres dans une caravane qu’ils investissent de toutes parts, certainement l’un des bons moments du Festival, comme d’ailleurs Sapeurs pas peur, un numéro de la compagnie Men With Home Hardware Appliances mettant en scène des pompiers super-puissants. Et y a Thierry Marceau, un drôle d’énergumène qui tripe sur Michael Jackson ces temps-ci et qui va créer une sorte de bed-in inspiré de John et Yoko, avec une intervention spectaculaire de la star de la pop. Intéressant parce que les spectateurs seront vraiment des participants, jusqu’à enfiler des pyjamas blancs pour se joindre au délire."

MODIFIER OU INTÉGRER LE TISSU URBAIN

Rémi-Pierre Paquin et Philippe Gauthier veulent dénicher des projets dont l’objectif est de modifier les lieux. Ils ne sont pas fanatiques des numéros de rue traditionnels, inspirés du cirque ou du clown, où le rapport avec les spectateurs demeure frontal et passif. "Que l’artiste veuille modifier complètement le lieu, le transgresser ou en changer la perspective, l’important, c’est que l’espace soit théâtralisé." Voilà pourquoi ils ne sont pas friands de l’expression "arts de la rue", fréquemment utilisée pour englober les propositions interdisciplinaires et ne pas cantonner le théâtre de rue dans une seule tradition. "Mais "arts de la rue", opine Paquin, c’est vraiment réducteur, ça ne veut rien dire. Le mot "théâtre" est à prendre au sens large et résonne bien plus fort, parce qu’il comprend la dimension spatiale et performative qui nous intéresse dans le théâtre de rue." Message reçu.