Jean-François Nadeau : Cul-de-sac
Une fable écolo corrosive tragicomique aux accents fantastiques. C’est ce que nous réserve le Petit Théâtre DuNord avec sa nouvelle création, Sac à sacs! On en parle avec Jean-François Nadeau, auteur.
Avez-vous un "sac à sacs" chez vous? Vous savez, ce grand sac dans lequel on fourre tous les autres sacs de plastique qu’on n’utilise que très rarement? C’est à cet objet en voie d’extinction que fait référence le titre de la pièce qui prend l’affiche le 26 juin au Petit Théâtre DuNord. Un texte de Jean-François Nadeau qui utilise cet accessoire quotidien comme moteur d’une improbable course contre la montre échelonnée sur 48 heures. L’auteur a imaginé l’impact de l’avènement des sacs réutilisables sur la seule personne qui puisse se déclarer officiellement en faveur du sac en plastique. "Le personnage principal, Sylvain Primeau, travaille pour la division sacs de la compagnie Superplast. Il est vraiment passionné par les sacs… C’est sa vie!" C’est donc la panique lorsque son patron lui lance un ultimatum pour contrer la crise du sac de plastique. À partir de cette prémisse, l’auteur s’est permis de tricoter une fable sur l’urgence d’agir opposée à notre individualisme. "Le sac est un prétexte pour parler d’environnement, mais en même temps de notre hypocrisie écologique. Même s’il veut sauver sa peau, le personnage de Sylvain soulève de vraies questions. Pourquoi supprimer les sacs de plastique plutôt que le suremballage des produits?"
LIGUE NATIONALE D’IMPROVISATION
Comédien (Tactik, Dieu merci!), réalisateur et adepte du spoken word, Nadeau signe ici son deuxième texte pour les planches. "Après avoir vu une pièce au Petit Théâtre DuNord l’an passé, j’ai contacté les propriétaires pour leur proposer mes services d’acteur. Mais j’ai plutôt reçu une commande pour un texte!" Il s’est donc attelé à la tâche, encouragé par une saison exceptionnelle dans la Ligue nationale d’improvisation: "Mon équipe a remporté la finale cette année. Cela m’a donné beaucoup de confiance en mon écriture."
Spin-off d’un premier texte dévoilé au Festival du Jamais lu en 2006, Sac à sacs a bénéficié du parrainage de l’auteur Jean Marc Dalpé pour ses premières versions. Le dramaturge et enseignant à l’École nationale de théâtre est un modèle à suivre pour Jean-François Nadeau: "C’est un mécanicien de l’écriture. Avec lui, il n’y a pas une virgule, pas un mot de trop. Chaque réplique est d’une efficacité incroyable!" Les mots de Jean-François sont mis en scène par Philippe Lambert, un habitué du théâtre La Licorne. "C’est lui-même un comédien. Il axe beaucoup sur le jeu, l’importance de s’attacher aux personnages." La distribution comprend Sébastien Gauthier, Luc Bourgeois, Louise Cardinal et Mélanie Saint-Laurent. Soulignons au passage le travail de scénographie, pas moins de 16 décors étant nécessaires pour faire vivre cette aventure sur scène!
PETIT LEXIQUE DE LA PIÈCE
Fable: Un récit qui cache une moralité sous le voile de la fiction.
Il a fallu plusieurs versions pour que Jean-François Nadeau élimine un ton trop moralisateur. Il a finalement opté pour le juste milieu afin d’éviter de faire la leçon aux spectateurs.
Écolo: La pièce se déroule en plein mois de février alors que la température connaît un redoux exceptionnel. Les terrains de golf ouvrent leurs trous aux amateurs qui se réjouissent de cette saison d’été prématurée. Mais pour l’auteur, cette situation environnementale inquiétante est beaucoup plus proche de la réalité que de la science-fiction.
Corrosive: Faire rire et réfléchir, c’est un mandat pas toujours évident. Les spectateurs doivent s’attendre à rire jaune par instants, si ce n’est à rire vert… "Est-ce qu’on peut rire de notre lâcheté consciente, de cette spirale d’autodestruction sournoise? C’est ce que j’ai essayé de faire."
Tragique: L’homme est en train de détruire la planète. C’est une tragédie en soi. Mais que les gens soient conscients que la survie de l’espèce est menacée sans rien changer à leurs habitudes est fascinant pour l’auteur. "C’est comme le patient qui se réveille d’une opération à coeur ouvert et qui s’allume une cigarette." Pour le personnage principal, c’est une tragédie personnelle, tous ses repères s’écroulent. "Sylvain va réaliser qu’avant de changer le monde, il faut commencer par s’occuper de soi, de sa famille. Devenir un individu responsable avant de travailler pour la collectivité."
Comique: Entre théâtre d’été et théâtre en été, plusieurs remarquent une différence. Mais en saison estivale, une prérogative demeure: il faut que ce soit drôle. Tous les moyens sont bons pour y parvenir, selon Jean-François Nadeau: une ligne un punch, deuxième degré, vaudeville et claquage de portes, tant qu’on arrive à faire rire… et réfléchir par la suite.
Fantastique: "Un ours qui se réveille en plein milieu de son hibernation en ne sachant pas si c’est Noël ou le mois d’avril, je trouve que ça a du potentiel comique", confie l’auteur. La présence de Maman Ourse (qu’on a connue dans Boucle d’or) sur l’affiche de la pièce n’est certainement pas étrangère à cette anecdote, mais il nous a été impossible d’en savoir plus!