Ara Malikian : Sur la corde raide
Scène

Ara Malikian : Sur la corde raide

Avec le virtuose Ara Malikian et ses acolytes, la grande musique et la commedia dell’arte font bon ménage. Le Festival Juste pour rire nous propose de découvrir PaGAGnini.

La musique classique, ou la musique "sérieuse", devient toujours un petit peu bizarre lorsqu’elle s’acoquine à quelque forme d’humour que ce soit. D’Erik Satie jusqu’à Frank Zappa, en passant par Carl Stalling (pour qui Bugs Bunny a dirigé des "classiques" assez déjantés), l’humour a tendance à déprécier la qualité des oeuvres dans l’oeil de nombreux amateurs. Pourtant, pour réussir cet amalgame spécial, il faut justement un sacré talent!

Le violoniste libanais d’origine arménienne Ara Malikian a dans sa discographie une vingtaine de disques dont certains sont consacrés aux oeuvres de Vivaldi, Schumann, Bach ou Paganini, dont les 24 Caprices sont parmi les oeuvres les plus difficiles pour le violon. Récemment, Malikian a ajouté le flamenco, le tango et le jazz à son répertoire. Peut-être était-il fatigué de la musique "sérieuse"? Joint chez lui, en Espagne, il corrige: "Non, bien sûr, j’aime toujours cette musique, mais c’est tout ce que l’on nous montre dans les conservatoires, alors j’avais envie de connaître aussi autre chose. J’aime toutes les musiques!" Et l’humour? "Tu sais, les jeunes ne vont pas beaucoup dans les concerts de musique classique parce qu’ils croient que c’est pour les vieux et qu’il faut la connaître avant même de l’entendre. Alors on a voulu faire un concert pour lequel la musique est préparée très sérieusement, mais qui est quand même plein de bonne humeur et amusant. On l’a fait comme une expérience, parce qu’on n’avait pas vraiment de référence, et ici, en Espagne et en Europe, ça a très bien marché."

Le spectacle PaGAGnini est présenté par la troupe de mimes espagnole Yllana, mais Malikian et ses trois acolytes – Thomas Potiron, Eduardo Ortega et Gartxot – forment un véritable quatuor à cordes. "Ce ne sont pas des comédiens mais de véritables musiciens, précise-t-il, et de bons! Les gens d’Yllana nous ont dirigés, ils nous ont enseigné la partie théâtrale du spectacle. Les quatre musiciens, nous partageons cette inquiétude au sujet de la musique classique, qui nous donne envie de faire autre chose, mais toujours pour y revenir."

Ces musiciens, justement, sont bien conscients de ne pas être des comédiens, mais depuis trois ans qu’ils travaillent à ce projet, la partie théâtrale du spectacle s’est quand même raffinée. "Nous nous amusons à imiter les personnages que nous avons croisés durant notre vie dans le monde de la musique! J’ai travaillé pendant sept ans à l’Orchestre de l’Opéra de Madrid, alors j’en ai vu! On rigole des stéréotypes: le musicien sérieux, le musicien rebelle, etc." Mais ne court-il pas ainsi le risque d’abîmer sa réputation de grand musicien? "Sans doute, mais je suis ravi de pouvoir découvrir ce nouvel aspect de l’interprétation, le jeu théâtral, auquel on ne m’avait pas du tout préparé. Maintenant, je vois la musique autrement, et je recommanderais à tout musicien classique d’explorer cet aspect." Alors, PaGAGnini, un exemple à suivre pour la musique classique? "Ha! Je l’espère, bien sûr!"