Fernando Narduchi : Un pays dans la peau
Scène

Fernando Narduchi : Un pays dans la peau

La compagnie Balé de Rua, de passage chez nous grâce à Juste pour rire, mixe danses urbaines et culture brésilienne dans un spectacle éponyme réunissant 27 danseurs et musiciens. Discussion avec son directeur artistique, Fernando Narduchi.

Nous sommes en 1992. Trois jeunes Brésiliens passionnés de danses urbaines décident de fonder une compagnie. Ils la baptisent Balé de Rua: ballet de la rue. Pendant les huit premières années, ils se retrouvent le soir après leur journée de labeur et répètent dans les rues ou dans les parcs d’Uberlândia, une petite ville du Minais Gerais. En 2000, un commanditaire leur permet de louer un hangar, d’engager des danseurs et de se consacrer entièrement à leur art. Deux ans plus tard, ils sont sacrés "Révélation de la Biennale de la danse à Lyon" et leur carrière internationale est lancée.

Aujourd’hui, ils tournent à l’étranger, dirigent un nouveau centre culturel à Uberlândia et dispensent des cours gratuits aux jeunes de sept quartiers différents. Dans un pays où 30 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, l’histoire de Fernando Narduchi, Marco Antônio Garcia et José Marciel Silva a tout d’un conte où les fées prennent le visage de la passion et de la détermination. "Quand on a commencé, tout le monde nous disait que ça ne nous mènerait à rien, qu’il était impossible de devenir danseur professionnel au Brésil, se souvient Narduchi qui est le seul des trois à avoir suivi une formation en danses classique et contemporaine. Mais on y a cru et on s’est accroché. J’imagine que les jeunes qui voient aujourd’hui la compagnie ont la preuve que les rêves peuvent se réaliser si on le veut réellement."

D’emblée, les trois garçons choisissent de donner une identité forte à leur compagnie en croisant les danses urbaines avec la capoeira, la samba et les influences africaines qui marquent leur culture. Créant d’abord de courtes chorégraphies, ils se lancent rapidement dans des spectacles de longue durée qu’ils inscrivent au-delà du simple divertissement en racontant leur histoire ou celle de leur pays. Dans Balé de Rua, le septième et dernier en date, la musique et les rythmes occupent évidemment une place importante. On y retrouve les percussions en direct qui caractérisent le style de la compagnie depuis plusieurs années. "Ce spectacle parle de l’histoire du Brésil. Il comprend de petits extraits de toutes nos créations précédentes et aussi de nouvelles parties, commente le directeur artistique. On y voit notamment des scènes de E agora, José? [Et maintenant, José?], qu’on avait présenté à Lyon, qui fait référence au poète Carlos Drummond de Andrade et qui évoque la vie des paysans du Minais Gerais, leur foi et leur culture. Il y a aussi des reprises de O Corpo Negro na Dança [Le Corps noir dans la danse], qui parlait de l’esclavage."

Très théâtral et très physique, le spectacle est interprété par 15 danseurs-percussionnistes (dont une seule représentante de la gent féminine) dont les histoires personnelles ont influencé une part de la création. Les compositeurs Vincent Artaud et Naná Vasconcelos les accompagnent sur scène avec 10 autres musiciens qui agrémentent la trame originale d’airs de samba appartenant au patrimoine national. Un spectacle en rupture totale avec les images pittoresques du Brésil. Sans plumes ni paillettes.

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