Boeing Boeing : Zone de turbulences
Scène

Boeing Boeing : Zone de turbulences

Des portes qui claquent, en voulez-vous? Avec Boeing Boeing, un pur vaudeville français des années 60, on va être servis!

Enfin un rôle de champion pour Pierre-François Legendre! Dans une autre vie, à Québec, il jouait souvent l’idéaliste révolutionnaire ou le flamboyant coureur de jupon. Mais depuis qu’il est déménagé à Montréal et s’est mis à faire du cinéma et de la télé, l’étiquette de loser sympathique lui colle à la peau. De Québec-Montréal jusqu’aux Invincibles, il a joué, sans rechigner, les "bonnes pâtes", les adulescents à la masculinité chancelante et les gars qui manquent désespérément de confiance en soi.

Qu’à cela ne tienne, car Bernard, son personnage dans Boeing Boeing, est un vrai king, un riche et séduisant professionnel en plein contrôle de sa vie. Et quelle vie! Architecte à Paris, il règne sur son petit château: un appartement luxueux, assorti d’une gouvernante fidèle et avenante (Alexandrine Agostini), et surtout d’un petit harem d’hôtesses de l’air se succédant dans son lit sans jamais se rencontrer, fuseaux horaires obligent. "Il a trois femmes, une Allemande, une Espagnole et une Américaine, qu’il maintient dans l’état de fiancée perpétuelle sans avoir l’intention de les marier, et qu’il voit successivement à raison de deux jours chacune. Il a trouvé la recette du bonheur", explique Legendre. Et il enchaîne: "C’est vrai que je suis content de jouer un peu les champions. Mes partenaires de jeu, Marie Turgeon, Catherine-Anne Toupin et Karine Belly, me disaient justement cette semaine à quel point ça faisait du bien de me voir chausser les souliers de Bernard. Pour moi, c’est génial de renouer avec cette énergie-là. En plus d’être un champion, c’est un avant-gardiste, en avance sur la mode et les idéologies de son temps. Un vrai winner!"

Bernard est tout le contraire de son ami Robert, un ancien camarade d’école, célibataire sans saveur qui n’est jamais tellement sorti de son Saint-Hyacinthe natal, et qui débarque à Paris pour s’installer quelques jours chez son vieux copain. Serge Postigo, se dédoublant pour porter les chapeaux d’acteur et de metteur en scène (en plus de signer l’adaptation du texte), endosse ce rôle d’adjuvant serviable. Car, vous vous en doutez, il arrive au moment où tout se détraque: la mise en vol des tout nouveaux et très rapides Boeing 747 ainsi qu’une tempête de neige imprévue modifient les horaires de ses trois élégantes fiancées, et voilà qu’elles atterrissent toutes en même temps.

On imagine déjà le ballet infernal que tout ça va créer. Grace (l’Américaine), Gwendolina (l’Espagnole) et Gretchen (l’Allemande) sont bousculées d’un bout à l’autre de la scène, d’un homme à l’autre et de porte en porte, dans un rythme trépidant qui ne laisse aucun répit aux deux pauvres bougres.

Dans une telle course, il n’y a pas de place pour l’erreur. Legendre est bien content de se frotter au genre. "Un vrai vaudeville comme celui-là, on n’a pas si souvent l’occasion d’en jouer dans une carrière. Et c’est aussi enrichissant pour l’acteur que de jouer dans une tragédie grecque, le travail est aussi exigeant. Le jeu est centré sur une série d’actions, dans une partition très serrée." Ce qui fait de cette pièce une joie, c’est aussi la couleur des personnages. "Serge a rendu les personnages féminins moins potiches que dans la version originale, il leur a donné de la saveur et des caractères distincts. Je ne vous cacherai pas qu’on joue sur les clichés et on l’assume pleinement. L’Américaine est une parfaite cheerleader, l’Espagnole a le sang très chaud et l’Allemande est grande, droite et enflammée. L’intérêt, c’est de voir comment les deux gars, avec leurs personnalités particulières, interagissent avec ces femmes-là."