Rêverie : Fantaisie sans paroles
Avec Rêverie, spectacle présenté dans le cadre du Festival Juste pour rire, la compagnie états-unienne The Second City relève un pari audacieux: nous faire rire sans prononcer un mot.
Tout commence dans un bureau, où six employés, incarnés par Frank Caeti, Emmanuelle Delpech-Ramey, Lauren Dowden, Dean Evans, Laura Grey et Anthony Irons, participent à une réunion d’affaires. À voir leurs têtes d’enterrement, on comprend vite qu’ils s’ennuient ferme. Et que fait-on quand on s’ennuie en réunion? On repense à ce que l’on a fait la veille, on se remémore d’autres moments d’ennui, on se demande ce qui se passe dans la tête de ses collègues, on peut même rêver d’être une rock star. Parfois, on a envie de hurler, de s’enfuir, de se pendre… Dans Rêverie, tous ces fantasmes – et bien d’autres! – prennent forme et permettent aux protagonistes de s’évader un moment de la salle de réunion.
Outre le talent des performeurs, le spectacle repose en grande partie sur l’ambiance sonore créée par Trey Stone. Présent sur le côté de la scène, il distille sons, bruitages et musique d’ambiance, et accompagne les changements de tableaux. On le voit d’ailleurs souvent sourire dans son coin, comme s’il était le manipulateur sardonique de six marionnettes de taille humaine. Des chaises et meubles à roulettes permettent aux comédiens de moduler facilement le décor et quelques accessoires achèvent de nous transporter d’un univers à l’autre.
Le spectacle commence à un rythme effréné, les tableaux, très courts, se succédant avec dynamisme et précision. On a du plaisir à se laisser happer par l’humour absurde qui émane des cerveaux des performeurs, lesquels utilisent avec brio ce corps devenu leur seul moyen d’expression. Plusieurs scènes – notamment celle de la cornemuse – sont tout à fait hilarantes, et le ballet sur chaises à roulettes est même un véritable moment de grâce.
Puis, insidieusement, le rythme s’étire, les scènes s’allongent inutilement, et la mise en scène de Dexter Bullard perd en précision. À plusieurs reprises, l’utilisation de la vidéo s’avère superflue et détourne inopportunément notre attention de la scène. Finalement, la décision de recourir à une sorte de glossolalie ressemble à un aveu d’échec, comme si les limites de la démarche avaient été atteintes.
Malgré ses inégalités, le spectacle reste toutefois réjouissant et on se laisse facilement aller à rire de bon coeur.