Clash : Remplir le vide par le rire
Scène

Clash : Remplir le vide par le rire

Daniel Lemire est un humoriste qui écrit sa première pièce de théâtre. Le monologuiste, habitué au rythme "une ligne un punch", conserve la même vitesse de croisière pour Clash. Trop dense pour certains, réjouissant pour les autres.

Daniel Lemire répète à qui veut l’entendre qu’il ne donne pas dans le théâtre d’été traditionnel. Qui trop embrasse mal étreint, les attentes de plusieurs n’ont pas été comblées lors de la première de Clash. Si on prend toutefois le temps de resituer cette création dans l’offre actuelle des nombreuses reprises d’oeuvres de Broadway et autres vaudevilles, le texte gagne en pertinence. À condition que l’auteur assume sa qualité de théâtre d’été, sans aucune connotation péjorative.

Deux couples (oui, encore!) issus de strates sociales différentes se retrouvent coincés pendant deux jours dans un chalet reclus dans les Hautes-Laurentides. Il s’agit de la première rencontre entre les parents de deux futurs mariés… et c’est à peu près le seul point commun entre ces deux univers. D’un côté, il y a l’agent immobilier fendant, incarné par Sylvain Marcel, et la savoureuse Geneviève Rioux qui joue son épouse dépendante au cocktail médicament-alcool. De l’autre côté, un directeur d’école docile interprété par Pierre Lebeau et sa dominante épouse au bord de la ménopause, Dominique Pétin.

Entre un chalet qui tombe en décrépitude et l’envie d’aller voir si le gazon est plus vert chez le voisin, Clash est avant tout le récit d’un long malaise étalé sur 48 heures. La force de la pièce ne réside pas tant dans l’intrigue que dans la profondeur et la force de chacun des personnages. Daniel Lemire a délaissé la formule des faire-valoir au profit d’un seul bouffon. Dans Clash, les quatre personnages ont un temps de scène et des potentiels comiques égaux. Geneviève Rioux ne rate pas une occasion de faire sourire en surfant entre la candeur naïve et l’idiotie de son personnage aux facultés affaiblies par toutes les substances disponibles. Sylvain Marcel provoque les rires par son insatiable envie de quitter les lieux par tous les moyens possibles. C’est à travers le personnage de Dominique Pétin qu’on reconnaît le plus l’humour grinçant de Daniel Lemire. Pierre Lebeau est égal à lui-même, trouvant toujours le juste milieu entre drame et humour. C’est quand même lui qui souffre le plus de l’aspect cliché de la pièce, passant deux heures à baver sur la moitié féminine de son couple d’invités.

Ainsi, Clash ne nous épargne pas les déjà vu et certaines blagues de mononcles. La mise en scène n’est pas sans défaut (bagarre caricaturale, gag d’escalier surfait), et la pièce s’étire vers la fin. Mais dans la catégorie divertissement, c’est une oeuvre très honnête qui atteint sa cible, soit faire rire et nous émouvoir devant le vide de nos existences.