Simon Boulerice : Tous en choeur
Marre du théâtre d’été? Le mois d’août offre une alternative: une nouvelle mise en scène de Sainte Carmen de la Main, de Michel Tremblay, par le prolifique Simon Boulerice.
L’été est chargé pour Simon Boulerice. En plus de s’attaquer au projet Sainte Carmen, il retravaille Qu’est-ce-qui reste de Marie-Stella? pour une nouvelle série de représentations à la Petite Licorne et se prépare à rejouer son solo Simon a toujours aimé danser au Théâtre d’Aujourd’hui, tout en anticipant la sortie de son premier roman. Nous le rencontrons en France, au Festival d’Avignon, car contre toute attente, il a réussi à s’aménager une semaine de stage et de spectacles au beau milieu de tout ce bazar.
Assis à l’ombre d’un platane, il parle de Michel Tremblay. Car même si Boulerice, durant sa jeune carrière de metteur en scène, a surtout monté ses propres textes, il dit se lancer dans ce projet parce que Tremblay l’interpelle, même s’il répond ici à une commande du Théâtre Autrement Dit et de sa directrice artistique Elizabeth-Anne N’Doumi (une jeune actrice québécoise mulâtre qui débarque tout juste du cours Florent à Paris et tient le rôle principal de la pièce).
Sainte Carmen de la Main ramène sur scène un personnage né dans À toi pour toujours ta Marie-Lou, Carmen la chanteuse western, laquelle se heurte au cynisme et à l’opportunisme des uns et des autres dans son désir de réveiller les consciences. "Mais c’est la tragédie qui m’allume chez Michel Tremblay, explique Boulerice, et la présence du choeur. Mon objectif est d’en faire une forme plus contemporaine: ce sera un karaoké mené par deux animatrices de foule."
Un karaoké dans l’univers de Carmen, pourquoi pas? Après tout, de retour de Nashville, la chanteuse western veut pousser son public montréalais à l’action. Dans la version de Boulerice, le spectateur sera donc sollicité, mais "sans exagération et sans malaise". "Je vois ce choeur comme une foule aveuglée par sa vedette, scandant des répliques d’admiration. C’est une manière de parler du groupie-isme à la québécoise, de cette manie de vivre sa vie dans l’ombre d’une méga-star. Ce choeur-karaoké, ce sont aussi des non-vedettes qui cherchent leur heure de gloire et jouent sur les frontières de plus en plus floues de la célébrité. C’est une réalité dont on ne parle pas assez." C’était d’ailleurs la prémisse de Félicité, texte récent d’Olivier Choinière. Toutefois, Boulerice avance que sa mise en scène en parle de manière plus frontale, plus concrète. "Cela dit, je ne veux pas en rire ou dénoncer le groupie-isme, parce que c’est très humain. Je pense qu’il est tout de même possible de vivre sereinement en vouant un culte à une vedette."
Et le contenu politique de la pièce? Sainte Carmen, à sa création, évoquait fortement le désir d’indépendance du peuple québécois, et quand on demande à Boulerice quel portrait du Québec il veut dresser à travers le thème du vedettariat, il se rétracte. "Je préfère ne pas trop y penser en ces termes-là. La critique sociale est évidente: Carmen demande à son public de se réveiller, elle veut être rassembleuse et il est donc aussi question d’effritement du collectif. Je n’entre pas plus que ça dans le politique."