Steve Gagnon : Le fantôme d'Elvis
Scène

Steve Gagnon : Le fantôme d’Elvis

Steve Gagnon, qui met en scène Autour de ma pierre, il ne fera pas nuit dans la cour intérieure du Conservatoire, désire tirer le maximum de ce site inspirant. Pas de places assises.

Steve Gagnon a découvert Autour de ma pierre, il ne fera pas nuit de Fabrice Melquiot alors qu’il était encore étudiant au Conservatoire. "J’ai trouvé ça vraiment bon; il a un langage à lui, à la fois poétique et très brut, raconte-t-il. J’avais envie de montrer qu’il est possible d’amener la poésie au théâtre et que ce soit super concret. Je trouvais que c’était un texte parfait pour ça. Mais je ne savais pas si je voulais le monter dans une salle. Puis, par hasard, j’ai vu la cour intérieure et je me suis dit que ce serait bien là. Travailler dehors nous obligeait à ramener la pièce à quelque chose de très vrai, de très simple, parce qu’il aurait été un peu absurde de la présenter dans un lieu qui pourrait être celui de l’histoire en multipliant les procédés théâtraux." Tout est donc aussi naturel que possible: évocation d’un cimetière dans le respect du site, éclairages à la lampe de poche ou à la lanterne, musique live… Quant au public, il se déplace pour observer l’action qui se transporte dans les moindres recoins de l’endroit. "Je pense que ça amène une intimité, une proximité qui permet un jeu moins théâtral et rend le tout plus sensible", précise-t-il.

Devant cet univers sombre, où deux frères pillent des tombes dans l’espoir de ramasser assez d’argent pour s’enfuir en Suisse, le jeune metteur en scène a voulu insister sur l’aspect positif du texte. "Il y a un mouvement important dans la pièce qui est l’envie de s’en sortir", remarque-t-il. Il a donc cherché à apporter une certaine lumière au spectacle, notamment grâce à Elvis, dont les chansons ont été apprêtées à la sauce d’Émilie Clepper. Même si au départ il n’était pas chaud à l’idée d’exploiter ce filon, pourtant présent dans l’oeuvre, il a finalement dû reconnaître son caractère incontournable. "C’est comme si, pour ces personnages, Elvis devenait une source d’inspiration, quelque chose qui leur permet de passer à travers les épreuves. Ça donne une espèce de respiration à ce spectacle assez dense."

De même, il a cherché à alléger le tout à travers le jeu des acteurs. "Comme le langage est très beau, mais qu’il s’agit d’un univers laid, difficile, je leur ai demandé de salir un peu les personnages, de les rendre surprenants. Qu’on fasse: "OK, drôle de réaction par rapport à ce qui se passe, mais je comprends parce qu’elle vient de tel milieu", illustre-t-il. Aussi, comme l’émotion et les situations se sont éclaircies rapidement, on a travaillé davantage l’énergie et le rythme. Parce que ce sont des fragments qui nous parviennent de façon non chronologique, ce qui fait que l’énergie est très différente d’une scène à l’autre." N’empêche, il constate que l’ensemble dégage "une espèce de nostalgie heureuse" qui, l’espère-t-il, donnera aux spectateurs "l’envie d’aller se "downloader" des tounes d’Elvis, plutôt que de se tirer une balle".