Rentrée théâtre : Quel festin
Scène

Rentrée théâtre : Quel festin

Cet automne, la scène montréalaise grouille de partout. Regard exhaustif sur l’offre de la rentrée théâtre, mais aussi cirque, humour, mime et marionnette.

Bonne nouvelle pour ceux qui ont tout raté l’an dernier: il y a beaucoup de reprises. Une chance unique de revoir Coma Unplugged, ce texte de Pierre-Michel Tremblay que Denis Bernard a fait vivre avec doigté, obtenant le Prix de la critique en 2007. Suivra une nouvelle série de représentations de Pi…?!, création des Éternels pigistes signée Christian Bégin. Au Festival international de la littérature, on ne déroge pas aux bonnes habitudes et on propose pour la quatrième année consécutive le happening poétique Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent. Plusieurs se réjouiront aussi du retour d’Hippocampe, d’Eric Jean, avec sa scénographie remplie de possibilités.

Au Prospero, on ira revoir Coeur de chien pour le jeu stupéfiant de Paul Ahmarani. Le NTE reprend Sacré Coeur, variation sur le thème de la salle d’urgence, alors que l’Opsis propose de retourner dans Une maison propre. À La Chapelle, Nini Bélanger ramène Endormi(e) et le décapant Peter James nous invite à son cabaret post-existentiel Ze psykotic happening project. Certains projets passent du petit au grand plateau, comme Scotstown, monologue de Fabien Cloutier qui se déplace de la Petite à la grande Licorne, et De l’impossible retour de Léontine en brassière, production du Groupe de poésie moderne qui quitte le réseau des maisons de la culture pour une institution phare (le Théâtre d’Aujourd’hui), ou même Top Dogs du Théâtre de la Marée Haute, qui fait le chemin contraire et abandonne le minuscule Espace Geordie pour se promener d’une maison de la culture à l’autre.

Les reprises sont aussi nombreuses en théâtre jeune public. En vrac: Isberg et Romances et Karaoké, deux productions du Clou, Une forêt dans la tête, du Théâtre de l’Avant-Pays, Baobab, du Théâtre Motus, et Glouglou, du Théâtre de Quartier.

DES CLASSIQUES ET DE GRANDS TEXTES

Des classiques, en voulez-vous? Au Théâtre Denise-Pelletier s’enchaîneront Monsieur de Pourceaugnac, de Molière, dans une mise en scène de Marc-André Leclair, Le Cid, de Corneille, dans une mise en scène de Daniel Paquette, et une adaptation de Vingt mille lieues sous les mers par Jean-Guy Legault. Au Bain St-Michel, en octobre, le Théâtre Point d’Orgue s’attaque aux Troyennes, version Jean-Paul Sartre. La saison du TNM sera peut-être marquée par Beaucoup de bruit pour rien, le premier Shakespeare auquel se mesure René Richard Cyr.

Le Prospero accueille deux jeunes compagnies allumées par les textes du répertoire. D’abord une pièce majeure de Brecht, Le Cercle de craie caucasien, que des finissants du Cégep de Saint-Hyacinthe jouent sous la direction de Luce Pelletier. Suivra Le roi se meurt, d’Ionesco, que les Productions Empremier servent à la sauce tibétaine. Le Rideau Vert n’est pas en reste: on y verra Un tramway nommé Désir, incontournable pièce de Tennessee Williams que s’approprie le talentueux Alexandre Marine, avec nulle autre que Sylvie Drapeau dans le rôle principal, et Il n’y a plus rien, de Robert Gravel, mis en scène par Claude Laroche.

DE LA GRANDE VISITE ET DES ECHOS DU LOINTAIN

Doucement, l’habitude d’inviter des compagnies étrangères s’installe dans nos institutions. La plupart viendront cet hiver, mais gageons qu’au TNM, le Théâtre des Célestins de Lyon fera grand bruit en septembre. Maurice Bénichou et Léa Drucker jouent Blackbird, puissant texte de David Harrower. Autrement, on aura droit à plusieurs productions québécoises de textes contemporains étrangers. Et ce, surtout dans le réseau des petites salles, où de jeunes compagnies flirtent avec le théâtre réaliste et les dialogues au scalpel des dramaturgies américaine, anglaise et nord-européenne. Dans l’ordre, on notera Courts Univers étranges, une collection de courtes pièces orchestrées par Frédéric Blanchette, puis La Campagne, de l’auteur britannique Martin Crimp, à voir à l’Espace Geordie dans une mise en scène de Sébastien Dodge, et finalement Crises, du Suédois Lars Norén, dans une mise en scène de Robert Drouin.

Dans le désordre, on nommera aussi ceux qui s’attardent à représenter les affres de la guerre: le Théâtre Réverbère et sa production La Maman du petit soldat à la Salle intime du Prospero, et le Théâtre du Grand Jour, qui coproduit avec une compagnie belge la pièce Terrorisme, des frères Oleg et Vladimir Presnyakov. D’autres préfèrent jouer dans le registre de l’intime, comme le Théâtre Agitato et son Projet Laramie, une pièce qui s’attarde au meurtre homophobe de Matthew Shepard, ou Je m’appelle Marilyn, divagation autour de la figure de Marilyn Monroe que Miguel Doucet met en scène au Prospero.

DES FORMES MULTIPLES ET SINGULIERES

Au rayon interdisciplinaire, le Théâtre La Chapelle règne désormais en roi et maître. Stéphane Crête y reprend son solo Esteban, à cheval sur le théâtre et la variété. Plus tard, le spectacle No Way, Veronica!, délire théâtral aux accents électro-pop, arrive de France précédé d’une rumeur favorable. En novembre, la compagnie hollandaise Duda Paiva s’amène avec Angel, mariage entre la danse et la marionnette. Des marionnettes québécoises sont aussi au rendez-vous avec Lui, pièce de Marc-Antoine Cyr mise en scène par Marcelle Hudon, et Vroum!, que David-Alexandre Després présente aux Écuries.

À La Chapelle toujours, la contorsionniste Angela Laurier fait son numéro en décembre. Pour le cirque, on court à la TOHU voir ou revoir La Vie, le troisième spectacle des 7 doigts de la main, mais aussi découvrir la compagnie française XY et son acrobatique Laissez-porter, suivi du spectacle de main à main Appris par corps et des clowns russes du Teatr Licedei. À la Place des Arts, quelques représentations de Nebbia, succès du Cirque Éloize signé Daniele Finzi Pasca, sont à noter à votre agenda. Il ne faut pas oublier le théâtre corporel, chasse gardée d’Omnibus, dont le nouveau spectacle Rêves, chimères et mascarade propose pour une rare fois du mime pur et dur.

SE BIDONNER EN CHOEUR

En humour, pas de grandes surprises, les noms les plus attendus sont au rendez-vous. Se succéderont au Théâtre St-Denis Les Grandes Gueules, Jean-François Mercier, Louis-José Houde et Rachid Badouri, alors que Martin Matte se produira à la Place des Arts et François Léveillée au Gesù. La curiosité des moins frileux ira certainement vers le premier one man show d’Alex Perron, et peut-être aussi vers Fabrice Luchini et son spectacle de stand-up intello-comique. Entre autres incontournables, Les Parlementeries feront assurément se décrocher les mâchoires, comme la traditionnelle revue de l’année du Rideau Vert, voguant vers le Théâtre Outremont pour y entraîner plus de fidèles.

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CREATIONS QUEBECOISES

Les nouveaux textes québécois sont légion cet automne. Au Théâtre d’Aujourd’hui, on ouvre avec Caravansérail, une pièce de Robert Claing, auteur chevronné qui n’avait pour ainsi dire pas été monté depuis les années 90. Paul Savoie et Benoît Dagenais sont deux Québécois à Paris, deux hommes désenchantés qui "décident de fourbir les lances du désir et de la fougue, de mettre les compteurs à zéro et de tout recommencer". Robert Bellefeuille est à la mise en scène. Ensuite, Daniel Meilleur, des Deux Mondes, met en scène la nouvelle pièce de Lise Vaillancourt. Tout est encore possible est un récit fantastique, "une oeuvre contemporaine qui mêle humour et angoisses dans un univers surdimensionné et hors du commun". Dans la Salle Jean-Claude Germain, Manon Lussier se roule dans Un suaire en saran wrap, un solo autobiographique où elle "raconte les transmissions de mère en fille, les zones de complicité et de conflit".

CHEZ DUCEPPE

Chez Duceppe, c’est toute la saison qui est consacrée à la création québécoise! Michel Tremblay ouvre le bal. Serge Denoncourt met en scène Fragments de mensonges inutiles, une pièce qui aborde l’acceptation de l’homosexualité dans les années 1950 et 2000. Ensuite, Monique Duceppe dirige Michel Dumont et Pauline Martin dans Une maison face au nord, de Jean-Rock Gaudreault, un auteur bien connu pour son théâtre jeune public. Finalement, durant la période des Fêtes, on découvrira le nouveau texte de Sébastien Harrisson, L’Espérance de vie des éoliennes, une pièce "qui dépeint les contradictions du Québec d’aujourd’hui, un Québec déchiré entre l’ombre de son passé religieux et la lumière aveuglante de ses aspirations technologiques". Frédéric Blanchette a notamment fait appel à Luc Bourgeois et Danielle Proulx. Prometteur.

À LA LICORNE

À La Licorne, La Dizaine des auteurs offre la scène à des artistes qui font partie du passé, du présent et du futur de la maison. Avec pareille brochette, tout est possible. En décembre, les Contes urbains sont de retour. À La Petite Licorne, Marie-Eve Gagnon dirige Enrica Boucher et Mélanie Pilon dans Et je sais que cela doit être le paradis. "Enrica est gérante dans un Centre du Rasoir et Mélanie, une alcoolique qui embête tout le monde." Ensuite, Justin Laramée dirige 4 fois Mélanie 1/2, la nouvelle production du Théâtre Qui va là (voir encadré). "Quatre femmes nommées Mélanie racontent en choeur le moment le plus marquant de leur vie."

À LA CHAPELLE

À La Chapelle, on pourra s’offrir Chroniques, trois courtes pièces d’Emmanuel Schwartz. À la mise en scène: Alice Ronfard, Jérémie Niel et Schwartz. Marc Beaupré, Monia Chokri, Pascal Contamine, Émilie Gilbert, Francis La Haye, Ève Pressault et Mani Souleymanlou composent la distribution. "Un projet polygame, multiforme et transgénérationnel", "un spectacle à trois têtes, brut, urbain, un peu énervé". Voilà qui risque fort d’être l’un des musts de l’automne! En décembre, Gaétan Nadeau présente Personal Jesus, un solo plutôt personnel conçu à partir d’un séjour prolongé à Rome.

À L’ESPACE GO

À l’Espace Go, Claude Poissant, du Théâtre PàP, met en scène Rouge Gueule, un texte d’Étienne Lepage, auteur des plus prometteurs (voir encadré), qui "connecte furieusement à l’état du monde et à ses appels à l’aide". Ensuite, dans la salle intime, Marcel Pomerlo dirige Passages, un solo écrit et interprété par Catherine Dajczman, un "hommage à l’existence dans ce qu’elle porte de plus sublime et de plus grotesque".

AILLEURS

Au TNM, Alice Ronfard prolonge sa collaboration avec Evelyne de la Chenelière en créant L’Imposture, une pièce "où les émotions ne sont jamais celles qu’on attend" (voir encadré). Francis Ducharme et Violette Chauveau tiennent le haut de l’affiche. Au Quat’Sous, Eric Jean et Pascal Chevarie vont donner naissance à Chambre(s), "une oeuvre dichotomique naviguant entre l’intuitif et la raison, le créatif et le cartésien". À Espace Libre, Philippe Ducros met en scène sa propre pièce, L’Affiche, un texte qui devrait placer "l’humain devant les monstres, la fête face à la mort, les mots au-dessus des armes et l’art en réponse à la propagande". Dans la Salle intime du Prospero, Maude Gareau porte à la scène Artères parallèles, l’une des premières pièces d’Annick Lefebvre. Au Centre Segal, Annabel Soutar et la compagnie Porte Parole ajoutent des épisodes à Sexy Béton, un cycle qui "apporte une réflexion nouvelle sur l’état des infrastructures au Québec". Au Théâtre de l’Esquisse, Jonathan Charbonneau, l’auteur de Sous-sols, met en scène sa nouvelle pièce, Une fois j’ai voyagé à New York, et Les Berbères Mémères proposent une création collective intitulée Bang Bang Love. (C. Saint-Pierre)

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DANS LA MIRE /

Une truite pour Ernestine Shuswap

Tomson Highway / André Brassard
Du 15 septembre au 10 octobre
À l’Espace Go

Chroniques
Emmanuel Schwartz / Jérémie Niel / Alice Ronfard
Du 24 septembre au 10 octobre
Au Théâtre La Chapelle

Un tramway nommé Désir
Tennessee Williams / Alexandre Marine
Du 29 septembre au 31 octobre
Au Théâtre du Rideau Vert

Rouge Gueule
Étienne Lepage / Claude Poissant
Du 20 octobre au 14 novembre
À l’Espace Go

Chambre(s)
Pascale Chevarie / Eric Jean
Du 16 novembre au 19 décembre
Au Théâtre de Quat’Sous

L’Imposture
Evelyne de la Chenelière / Alice Ronfard
Du 17 novembre au 12 décembre
Au TNM

Une maison propre
Sarah Ruhl / Martin Faucher
Du 19 novembre au 19 décembre
À la Cinquième Salle de la PdA

L’Espérance de vie des éoliennes
Sébastien Harrisson / Frédéric Blanchette
Du 16 décembre au 6 février
Au Théâtre Jean-Duceppe