Mort de peine : J'ai le blues de vous
Scène

Mort de peine : J’ai le blues de vous

Malgré le talent de Louis Champagne et la portée du sujet abordé par Yvan Bienvenue, Mort de peine ne convainc pas.

Ce n’est pas tous les jours que l’un de nos plus enthousiasmants cinéastes se tourne vers le théâtre. Il n’était pas question de manquer ça. Pour ses débuts à titre de metteur en scène, Louis Bélanger a choisi un lieu et un texte à échelle humaine, un comédien aussi talentueux que sous-utilisé et une musique de circonstance. Malheureusement, le solo d’Yvan Bienvenue, qui traite de la mort quand elle est particulièrement injuste, inexplicable et violente, ne parvient pour ainsi dire jamais à s’affranchir des lieux communs.

Mort de peine, c’est l’histoire, ou plutôt les histoires de Yan, un grand gaillard brisé par les morts atroces que la vie lui a infligées, un "brailleur". Un soir, sur le bord de la route, tout près de la maison de chambres qu’il habite – un décor étagé aussi beau qu’inutile signé Charlotte Rouleau -, Yan recueille la dépouille d’un chien frappé et cruellement abandonné par un automobiliste. C’est l’élément déclencheur d’une longue confession, un déferlement de souvenirs plus douloureux les uns que les autres. Sous nos yeux, au propre comme au figuré, l’homme va enterrer ses disparus.

Si le personnage est attachant, sensible, observateur et même un brin philosophe, il faut admettre que ses réflexions sur le mal tiennent souvent de l’évidence, voire de la banalité. Malgré l’horreur des descriptions et la gravité des thèmes (inceste, suicide, crime haineux…), la représentation déborde de bons sentiments. On cherche, le plus souvent sans subtilité, à nous émouvoir. En fait, le spectacle produit par le Quat’Sous et le Théâtre Urbi et Orbi est comparable à ces contes urbains auxquels Bienvenue a donné leurs lettres de noblesse. Les amateurs du genre risquent donc d’apprécier, les autres risquent de trouver le temps un peu long, le fil narratif, distendu et le récit, anecdotique.

Louis Champagne donne au personnage tout ce qu’il faut de rage et de naïveté. Encore un peu "technique" le soir de la première – notamment dans ses déplacements -, le comédien ne peut que gagner en aisance. Les guitares plaintives du bluesman Michael Jerome Browne sont agréables à entendre, mais sa présence sur scène est peu utile, voire dérangeante. Il en va de même des ambiances sonores, très présentes et étonnamment "réalistes". S’agirait-il d’un tic de cinéaste?

À voir si vous aimez /
Les Contes urbains, les solos minimalistes, le blues