Mahmoud Louertani : Le coeur sur la main
Mahmoud Louertani est l’un des six acrobates concepteurs de Laissez-porter, un spectacle sur l’exil élaboré autour de la technique du main à main et du porté acrobatique.
Depuis quatre ans qu’ils ont monté le spectacle Laissez-porter, les six complices de la Compagnie XY n’en finissent pas de tourner et de séduire grands et petits. Il faut dire qu’ils ont fait partie des premiers, en France, à oser proposer une création circassienne autour d’une seule et même technique. "Le main à main consiste en équilibres ou en montées dynamiques avec arrivée en équilibre, tandis que le porté acrobatique est un lâcher du voltigeur qui fait une figure seul dans l’espace et revient sur le porteur", précise d’emblée Mahmoud Louertani.
Depuis 1998, ce voltigeur enseigne dans une école de cirque du Nord-Pas-de-Calais avec son partenaire, le porteur Abdeliazide Senhadji. Cumulant 25 ans de complicité dont 20 ans d’expérience en portés, les deux hommes ont invité quatre de leurs ex-élèves à partager l’aventure de la création. "La rencontre physique et humaine de nos trois duos donne des trios, des quatuors et des sextets longs à mettre en place, car nous avions tous à la base le même langage acrobatique, mais chacun avait l’empreinte de son partenaire, et il a fallu trouver de nouveaux repères pour travailler ensemble", commente Louertani, décrivant le couple porteur/voltigeur comme un mariage de raison qui se fonde sur des affinités physiques avant de se consolider dans la qualité de la relation humaine qui se tisse au fil du temps.
Laissez-porter est le fruit d’un processus créatif auquel ont participé activement les jeunes acrobates Anne De Buck, Mikis Minier-Matsakis, Airelle Caen et Denis Dulon. Au départ, Senhadji propose des valises comme outil de travail. Elles deviennent vite de véritables partenaires et finissent même par définir le thème du spectacle qui se déploie de façon abstraite et poétique autour de la notion d’exil et de déracinement. "Plutôt que de porter un message, on a fait le choix de suggérer simplement le déracinement et l’exil en s’intéressant à la façon dont chacun des membres de l’équipe les ressentait intérieurement et à l’image qu’il pouvait en donner, explique Louertani. Et puis, on avait envie que les gens voyagent avec nous et ça marche: chacun se fait son histoire et on a des retours très différents. Les spectateurs se disent généralement touchés."
Dépouillée de toute scénographie, la scène devient le théâtre de toutes sortes de lieux imaginaires sous l’effet d’éclairages qui valorisent les images évoquées par le jeu des corps avec neuf valises et trois planches de bois. La bande sonore contribue quant à elle à colorer les ambiances sans toutefois les créer. "Il y a aussi des silences qui nous aident à charger en émotions et en énergie ces six solitudes qui existent sur le plateau et vont se rencontrer sans développer de relations, car les personnages sont en transit entre un lieu et un autre", poursuit le voltigeur.
Un spectacle qui ouvre une perspective intéressante sur le cirque contemporain et offre une première partie au désopilant Mick Holsbeke, clown, jongleur et adepte du vélo acrobatique issu de la cuvée 2009 de l’École nationale de cirque de Montréal.