Pascal Contamine et Christian Leblanc : Corps de rêve
Scène

Pascal Contamine et Christian Leblanc : Corps de rêve

Chez Omnibus, six jeunes comédiens tout droit sortis de l’école de mime performent dans Rêves, chimères et mascarade, étrange spectacle conçu à trois têtes par Réal Bossé, Pascal Contamine et Christian Leblanc. On a rencontré les deux derniers.

Ce genre de spectacle, né de la rencontre de collaborateurs autour d’une équipe d’interprètes, sans texte ou canevas préalables, a été baptisé maîtrise d’oeuvre par le directeur artistique d’Omnibus, Jean Asselin. D’autres parleraient sans doute d’écriture scénique pour évoquer cette méthode de travail où tous les éléments de la scène, texte, jeu, décor et autres, sont inventés en même temps, et prennent forme de manière vivante dans la salle de répétition. Ici, le concept est poussé à l’extrême.

Les trois maîtres d’oeuvre ne se connaissaient que très peu avant de plonger dans l’aventure, pas plus qu’ils ne connaissaient leurs six interprètes, Sabrina Connell-Caouette, Jennyfer Desbiens, Solo Fugère, Xavier Malo, Sacha Ouellette-Deguire et Anne Sabourin. Une blind date artistique. "C’est assez vertigineux", lance Pascal Contamine, visiblement allumé par l’expérience. Il faut dire que, contrairement à ses comparses, il travaille chez Omnibus pour la première fois. Pour un metteur en scène comme lui, intéressé depuis toujours par le corps, on peut dire qu’il était temps.

Christian Leblanc, lui, est un habitué de la compagnie spécialisée en théâtre corporel. Et il a développé sa propre idée sur le mime, qui doit toujours "ne demeurer qu’un moyen". "Je cache le mime sous la table et l’utilise chaque fois que c’est nécessaire. Je disais à mes interprètes pendant ce projet que le mime est partout mais pas dans leur face". Ce ne sera donc pas du mime pur et dur, mais le corps est le matériau de base. La morphologie des interprètes, plus précisément, a servi de matière d’investigation. "Avec cette démarche-là, poursuit Leblanc, c’est un avantage de travailler avec des gens que tu ne connais pas et que personne ne connaît. On n’a pas d’idées préconçues."

Ainsi ont émergé des questionnements sur les relations hommes-femmes, la sexualité, l’engagement, les peurs, les désirs. Ils ne veulent pas trop en révéler, s’amusent à faire du bruit pendant qu’ils en parlent pour que l’enregistreuse du journaliste ne capte pas l’information cruciale, mais Leblanc parle quand même de leurs interrogations sur les "rapports sexuels dérangés et déshumanisés". Contamine ajoute que "quelque chose de l’ordre des différences générationnelles s’est installé". "C’est finalement un constat de la jeune génération, mais teinté de notre regard de quarantenaires."

S’ils hésitent à dévoiler tout ça, c’est qu’ils se méfient du sens général à accoler au spectacle et recherchent l’étrangeté et l’incohérence du rêve. Explication de Contamine: "Le but, c’est que quelque chose se dépose à la fin, mais que sur le coup ça n’apparaisse pas clairement. Et qu’ainsi ça laisse une trace plus durable, un vrai dépôt." "Un rêve, ajoute l’autre, c’est la liberté totale, ça se transforme, ce n’est pas nécessairement ancré dans un cadre fixe, et ça nous permet de créer un objet fragmentaire et en constante mutation." Onirique, c’est le mot.