Caravansérail : Plonger dans le vide
Scène

Caravansérail : Plonger dans le vide

Récit initiatique contemporain, le Caravansérail de Robert Claing est mis en scène en toute sobriété par Robert Bellefeuille.

Récit initiatique. L’expression convient parfaitement à la pièce de Robert Claing. Ce sont deux hommes à la recherche du sens de leur vie, plongés dans un processus de mise en danger et d’épreuves psychologiques. Elle convient aussi au nécessaire retour vers le passé que ces messieurs effectuent pour se dissocier de leurs échecs et trouver un nouveau nid où continuer à grandir. Paul (Paul Savoie) et Benoît (Benoît Dagenais), Québécois désenchantés, se rencontrent à Paris et se lancent tête première dans cette quête. En soi, ce schéma offre de grandes possibilités et fait écho au cynisme et aux désillusions de notre époque. Les acteurs y sont tout à fait à leur place, mais la sauce s’étire sans s’épaissir.

Première étape après la rencontre parisienne: acheter ensemble une croulante maison de campagne et la retaper. Le texte joue fort sur les symboles, ici la reconstruction d’une ruine comme métaphore de la reconstruction de soi. Tellement que ce n’est pas d’une grande subtilité, surtout que les dialogues qui accompagnent le tout nomment les choses directement et ne laissent pas au spectateur beaucoup d’espace de réflexion et d’appropriation.

Suit une période plus sombre, où chaque personnage semble plonger dans les tréfonds de son âme pour en expulser des peurs enfouies et des sentiments non dévoilés. Pour Paul, l’expérience se joue dans un cauchemar nocturne où il paraît renouer avec des morceaux de son enfance. Pour Benoît, dans l’ascension d’une montagne dont le sommet ne lui réserve finalement rien de transcendant. Il y a encore là un jeu symbolique. Claing transgresse l’image sacrée de la montagne, qui n’est plus le lieu de la révélation, mais le sommet d’où le sens s’étiole. Si l’image est intéressante, le texte ne lui rend pas justice. Il y constate le vide ahurissant de son existence, mais hélas ne l’interroge guère. Décevant.

Ils se réfugieront alors dans leur imaginaire, l’art constituant leur ultime salut; contrepoint fantaisiste à cette pièce qui est d’un pessimisme assommant, malgré l’humour et l’autodérision dont sont capables ces attachants personnages. Scéniquement, ça se tient, mais sans plus. Les éclairages (signés Erwann Bernard), d’abord éclatants, voguent peu à peu vers des couleurs plus froides, balaient avec pertinence une surface en pente et en déséquilibres (conçue par Jean Bard), tel un reflet de la plongée dans le vide entamée par les protagonistes.