Un suaire en saran wrap : Histoire de famille
Scène

Un suaire en saran wrap : Histoire de famille

Avec Un suaire en saran wrap, Manon Lussier rend un hommage anecdotique et décousu à sa mère, dans un esprit distancié et humoristique dont on saisit mal l’intention.

Le solo de Manon Lussier est un animal étrange, évoluant quelque part entre la confidence sensible, le stand-up comic aux accents théâtraux et le parcours mémoriel. Si la matière est autobiographique, reprenant les derniers moments de la vie de sa mère et les souvenirs de toute une vie, le registre n’est pas tout à fait intime. D’abord, parce que la comédienne a choisi de mettre l’accent sur des anecdotes et des événements qui lui ont paru absurdes dans le processus d’apprivoisement de la mort, comme les excès matérialistes de sa mère en fin de vie ou son idée excentrique d’organiser des funérailles de son vivant. Ensuite, parce que le spectacle présente une Manon Lussier enterrée par son personnage social un peu artificiel, rarement prêt à nous dévoiler ses véritables fragilités.

Peut-on lui reprocher ce qui semble être la ligne directrice de son projet, fondé sur l’idée que même les situations les plus difficiles de l’existence sont rattrapées par le quotidien? L’ennui, c’est qu’en s’attendrissant sur des situations anecdotiques, elle voudrait en dévoiler une part de beauté, et que ça ne fonctionne pas à tout coup. Au mieux, ça suscite un sourire compatissant ou même une légère émotion. Mais la plupart du temps, ces petites histoires demeurent ce qu’elles sont: des anecdotes sympathiques destinées à être rapidement oubliées. Même si là n’était pas l’intention, on regrette que Lussier ne nous fasse pas entrer dans sa réelle réflexion sur le sens de la vie, de la mort, de la relation mère-fille, de l’héritage. Tout cela n’est qu’esquissé, abordé avec retenue et de manière plutôt fuyante, au moyen d’un humour libérateur qui manque toutefois de profondeur.

La pièce fait appel à l’empathie et l’identification, particulièrement quand la voix de la mère surgit des haut-parleurs. Enregistrée sur son lit de mort, elle parle de son désir d’en finir avec la souffrance et de sa fierté d’avoir été une femme aimante. Mais même ces intrusions de la voix de la défunte tombent à plat, mal intégrées, surgissant du néant sans réel souci de dialogue avec l’actrice, comme une archive un peu désincarnée qu’on aurait du mal à s’approprier. L’urne contenant les cendres est aussi là, comme quantité d’objets servant à déclencher la mémoire et appeler les récits. Pas inintéressant, mais le spectacle a du mal à trouver le ton juste.