Une truite pour Ernestine Shuswap : La trahison
Scène

Une truite pour Ernestine Shuswap : La trahison

Après avoir monté Beckett avec doigté, André Brassard s’égare dans une pièce de Tomson Highway intitulée Une truite pour Ernestine Shuswap.

En entrant dans la salle, la beauté du décor d’Olivier Landreville saisit. Des tonnes de planches de bois blond se superposent pour évoquer les rondeurs de la vallée de l’Okanagan, en Colombie-Britannique. Le plateau, immense, est percé de colonnes et de totems qui s’élancent vers le plafond. Quelques maisons miniatures jonchent le sol. On est rassuré, l’action d’Une truite pour Ernestine Shuswap ne se déroulera pas autour d’une table de cuisine. On a toutes les chances d’échapper au supplice du spectacle réaliste.

Soyons clair, il y a dans la pièce de Tomson Highway un souffle mythologique et suffisamment de poésie pour nous entraîner hors de la cuisine. Mais il y a aussi, comme dans Les Belles-Soeurs de Michel Tremblay, de l’humour et des antagonismes entre femmes qui peuvent, eux, nous garder les deux pieds sur le plancher des vaches. Tristement, c’est dans cette voie qu’André Brassard a choisi de s’engager. Quand les quatre protagonistes font leur entrée, chantant et agitant tambours et autres percussions, affublées de robes bigarrées d’une laideur sans nom, on commence sérieusement à s’inquiéter.

La pièce se résume à la préparation d’un banquet en l’honneur de Sir Wilfrid Laurier, Grand Kahoona du Canada. Nous sommes en 1910. Ernestine Shuswap (Pierrette Robitaille), 53 ans, Isabel Thompson (Violette Chauveau), 43 ans, Annabelle Okanagan (Kathleen Fortin), 32 ans, et Délila Rose Johnson (Sharon Ibgui), 21 ans, réalisent peu à peu que leur terre, leurs baies, leurs animaux, leur rivière, leurs poissons… ne leur sont plus accessibles. Au fil des scènes, elles s’étrivent, se font enrager l’une l’autre, se cherchent des noises… tout cela pour finir par s’entraider. Devant les interdictions de l’homme blanc, elles ont bien l’intention de résister, de continuer à pêcher dans la rivière de leurs ancêtres. Le message est noble.

Malheureusement, la mise en scène, étonnamment statique, et le jeu des comédiennes, déplorablement caricatural, empêchent la fable historique de prendre son envol. Il y a bien quelques chaises que l’on porte comme des sacs à dos, quelques tartes en plastique, quelques fils barbelés projetés au sol, un tableau de Vinci en fond de scène, un passage rap et quelques poissons volants qui passent par là… mais ces efforts, souvent risibles, ne suffisent vraiment pas à sauver l’entreprise.

À voir si vous aimez /
Les Belles-Soeurs de Michel Tremblay, l’histoire du Canada et La Cène de Léonard de Vinci.