Et je sais que cela doit être le paradis : Les deux font la paire
Scène

Et je sais que cela doit être le paradis : Les deux font la paire

Enrica Boucher et Mélanie Pilon s’investissent sans retenue dans Et je sais que cela doit être le paradis, un texte de la trop rare Marie-Eve Gagnon.

Atypique. Singulier. Déconstruit. Voilà quelques-uns des termes qui nous viennent en tête, et pour les meilleures raisons, en assistant au premier spectacle des Perverties. Avec Et je sais que cela doit être le paradis, l’auteure et metteure en scène Marie-Eve Gagnon nous entraîne dans les méandres d’une amitié pas banale. Les deux héroïnes, Enrica et Mélanie, entretiennent des rapports pour le moins tordus. Si bien que la représentation est parfois grave, souvent étrange, mais toujours fascinante.

Au coeur de cette création, il y a Enrica Boucher et Mélanie Pilon, deux comédiennes aux personnalités fortes. Les deux jeunes femmes, pour qui la pièce a été écrite sur mesure (les personnages portent d’ailleurs les noms de leurs interprètes), n’ont aucune peine à nous faire croire à la folie (pas toujours douce) de leurs alter ego; des femmes névrosées, voire déséquilibrées, mais pleines de ressort et de vivacité d’esprit. Enrica est gérante dans un Centre du Rasoir et Mélanie, responsable des événements spéciaux dans un prestigieux restaurant. Dans ses temps libres, la première prend plaisir à faire la conversation à Hubert… son vibromasseur. Quant à la seconde, elle descend des litres et des litres de bière et de vin. Vous voyez le tableau?

Voisines de palier, Enrica et Mélanie entreprennent un jour de revisiter leur histoire, de leur première rencontre à aujourd’hui. Elles ont peu de moyens à leur disposition (à vrai dire, quelques accessoires et deux petites commodes sur roulettes), mais elles sont particulièrement déterminées. Coûte que coûte, dans l’espoir d’en faire un film, une pièce de théâtre ou, pourquoi pas, un catalogue, elles redonnent vie aux pages les plus colorées de leur amitié. Seulement, les deux jeunes filles n’ont pas la même version des faits. Et ce sont précisément leurs divergences qui rendent l’aventure irrésistible, cette manière qu’elles ont de réécrire et de réinterpréter le réel. Leur imaginaire est à l’oeuvre, et, pour notre plus grand bonheur, il est souverain.

En somme, charge contre notre société, contre les modèles extrêmement limitatifs qu’on impose à la femme, et déconstruction en bonne et due forme des clichés entourant l’amitié et l’amour, la pièce de Marie-Eve Gagnon est captivante sur le fond comme sur la forme, en plus d’être défendue avec doigté par des comédiennes complètement en phase avec leurs personnages.