Hofesh Shechter : De l’énergie à revendre
Hofesh Shechter est l’une des nouvelles têtes d’affiche de la danse londonienne. Le Grand Théâtre nous le donne à découvrir avec deux oeuvres qui déménagent.
Né à Jérusalem, Hofesh Shechter a étudié en parallèle la danse et la musique, se passionnant plus particulièrement pour les percussions. D’abord danseur dans la célèbre Batsheva Dance Company, il entame un voyage autour du monde qui le conduit à Paris puis à Londres, où il s’établit en 2002. Deux ans plus tard, il crée une première chorégraphie dont il signe aussi la musique, et c’est le point de départ d’un succès que rien n’est venu démentir à ce jour.
"Beaucoup de choses me sont arrivées en peu de temps: beaucoup de productions avec plus de danseurs, des oeuvres plus longues, des musiciens sur scène, et cette croissance a été un très grand défi parce que le développement d’idées et de mouvements prend du temps, commente le créateur de 34 ans. Cela dit, je suis surpris de la tournure que prend mon travail. Je pensais qu’il serait clairement physique et en fait, il est plus théâtral: il y a une connexion très forte à des émotions et à des personnages."
Inspiré par la thématique du conflit, psychique ou social, Shechter y va d’une danse très physique à l’énergie brute et animale, usant de tous les outils à sa portée pour créer des univers et en renforcer les atmosphères. À l’instar de ses compatriotes Sharon Eyal et Rami Ber, il use de la puissance du groupe et n’hésite pas à forcer sur les décibels ou les watts.
"Je joue sur les contrastes avec une combinaison d’éclairages éblouissants et de moments vraiment sombres, selon l’impact que je cherche à créer, indique Shechter. Je fais pareil avec la musique, un peu aussi pour aider le spectateur à sortir de la pensée intellectuelle pour se connecter aux vibrations de son corps. Je veux le saisir, qu’il ne puisse pas rester indifférent et qu’il arrive un moment où il se laisse noyer par la musique, la lumière et le mouvement."
Impossible de s’assoupir devant l’une ou l’autre des oeuvres présentées. Dans Uprising, le chorégraphe propose une variation musclée sur la fraternité en compagnie de six autres hommes. Compositeur des deux bandes sonores, il met cinq musiciens sur scène dans In Your Rooms, concrétisant ainsi visuellement le pouvoir déflagrant de la musique, moteur suprême des 11 interprètes de cette pièce. Respectivement troisième et quatrième oeuvre au palmarès du jeune artiste qui a reçu commande d’une douzaine de compagnies, ces chorégraphies se distinguent, selon certains critiques, par une belle maîtrise de la dynamique spatiale.
"Je vois l’espace comme un outil pour créer la bonne tension entre les différents éléments de l’oeuvre selon ce que je cherche à atteindre, confie Shechter. J’aime aussi jouer sur le contrôle subtil des centres d’activité sur la scène. Je travaille beaucoup en studio pour essayer de créer un flot dans les événements et attirer les yeux du public sur des points précis de l’action, même quand tous les danseurs sont en scène en même temps. C’est un peu comme peindre en trois dimensions ou même en quatre, car il y a aussi le facteur temps." Un coup qui s’annonce gagnant en ouverture de la saison danse du Grand Théâtre.