Laissez-porter : Simple et efficace
Scène

Laissez-porter : Simple et efficace

Exaltant l’art du porté acrobatique, Laissez-porter est un spectacle inventif et sans prétention qui laisse place à l’humanité des acrobates.

Ils sont six sur une scène dépourvue de toute scénographie. Quatre hommes et deux femmes en partance pour on ne sait où. Des coeurs solitaires en transit qui trompent l’attente en osant la rencontre. Une heure durant, les liens se créent à deux, à trois ou à plus, et la technique du porté acrobatique déploie la richesse de son langage dans ce qu’il a de plus simple et de plus sophistiqué. Les valises et les quelques planches qui jonchent le sol deviennent de véritables partenaires qui permettent aux artistes de construire toutes sortes d’univers et de figures aussi surprenantes qu’audacieuses.

Un empilement d’humains et de valises sur cinq étages, une chaîne à trois qui part du sol, se déploie en pyramide et se déroule à nouveau à terre sans jamais se défaire, des balançoires asymétriques et superposées où les acrobates tiennent miraculeusement en équilibre, des planches qui deviennent passerelles sur le ventre de femmes en train de faire le pont… Les prouesses physiques abondent, souvent assurées par Abdeliazide Senhadji et Mikis Minier-Matsakis, porteurs à la force quasi herculéenne. Elles sont toujours réalisées sans ostentation.

En effet, rien, dans Laissez-porter, ne se veut spectaculaire. Le cirque est entièrement au service d’un propos qui n’a rien de sexy – l’exil, la solitude -, et ni flonflons ni paillettes ne viennent soutenir l’action. À ce titre, le long silence dans lequel débute la représentation est plutôt audacieux. Et s’il contribue à installer l’ambiance en creusant quelque peu le vide intérieur que créent parfois les grands départs, il préfigure aussi des longueurs qui émaillent le spectacle.

Ces quelques temps morts n’empêchent cependant pas d’apprécier l’humour et la poésie de l’oeuvre ni de s’attacher à ses personnages dont certains sont mieux définis que d’autres. Ainsi, le manque d’assurance presque maladif du voltigeur Mahmoud Louertani contraste avec la sensualité et l’espièglerie du couple Airelle Caen et Denis Dulon qui dynamise le spectacle par son jeu et sa personnalité.

Et quels que soient les bémols que l’on puisse apporter à la critique du spectacle de la compagnie française XY, on en goûte les exploits (citons au passage ceux de la voltigeuse Anne de Buck) et son originalité qui libère notamment le main-à-main du traditionnel numéro d’amour vache.