Sexy Béton : Face cachée
Scène

Sexy Béton : Face cachée

La compagnie Porte Parole joue le premier épisode de son projet de théâtre documentaire, Sexy Béton. À voir pour apprendre tout ce qu’on vous a caché sur l’effondrement du viaduc de la Concorde.

Il faut de la détermination pour se consacrer, comme le fait Annabel Soutar, à un genre aussi mal-aimé et sous-estimé que le théâtre documentaire. En témoignent le très petit nombre de spectateurs s’étant déplacés pour la troisième représentation de Sexy Béton. Cette pièce a pourtant ce qu’il faut pour intéresser un public dépassant de loin le cercle des amateurs de théâtre. Le spectacle mis en scène par André Perrier est inégal, sans grande prétention esthétique ni mémorables performances d’acteur, mais plein de contenu et de pertinence. Il faudrait passer le mot.

La grande question posée par Soutar et sa dramaturge Carole Fréchette est essentielle. Pourquoi le rapport de la commission Johnson conclut-il que personne n’est responsable de l’effondrement du viaduc de la Concorde? En bonne documentariste, elle s’est lancée à la trace de Pierre-Marc Johnson, puis du président de l’association professionnelle des ingénieurs du Québec, Michel Gagnon, puis des victimes de l’effondrement. Elle y a appris, entre autres, que Le Soleil a publié un article annonciateur de la tragédie quelques années auparavant sans causer de réactions. Que la construction a été confiée à une firme amie des libéraux et proche de la mafia. Que les chantiers n’ont pas été surveillés. Que le gouvernement a classé l’effondrement dans la catégorie "accident de voiture" et n’a pas bien dédommagé les blessés.

Tout ça est porté sur scène par deux acteurs (Brett Watson et Maude Laurendeau-Mondoux) jouant le rôle de deux acteurs créant un spectacle sur l’effondrement. À leurs côtés, de discrets acolytes (Stéphane Blanchette, Marie-Josée Gauthier et Paul Stewart) prennent successivement les traits des personnages interrogés. Efficace. La mise en abyme est astucieuse: les prises de bec entre Brett et Maude agissent comme fers de relance, propulsent la quête vers de nouvelles avenues et remettent la question en perspective.

Elle est franco, il est anglo, mais peu importe le bilinguisme, d’ailleurs très naturellement intégré au spectacle, car l’essentiel se trouve dans les révélations qu’ils obtiennent des différents intervenants. Surtout, le spectacle dénonce la lourde bureaucratie de notre belle province et sa tendance à la corruption et au copinage, malheureusement pas enrayée. Une histoire à suivre: le deuxième épisode prendra l’affiche en novembre et le troisième, en janvier.