Benoît Paiement : Refus global
Le Groupe de poésie moderne continue de triturer et déconstruire la langue avec un nouveau spectacle, De l’impossible retour de Léontine en brassière. Le coauteur et comédien Benoît Paiement raconte.
Après le Festival de théâtre de L’Assomption et le réseau des maisons de la culture, De l’impossible retour de Léontine en brassière atterrit au Théâtre d’Aujourd’hui pour rencontrer un plus vaste public et connaître, peut-être, son apogée. C’est du moins une version légèrement retravaillée que nous présentera le Groupe de poésie moderne (GPM); on ne s’en plaindra pas.
Mais qui donc est Léontine? Une actrice vieillissante à qui on refuse le rôle de Léontine, figure fictive d’un tableau non existant de Paul-Émile Borduas, dans un théâtre documentaire sur le célèbre peintre et sa contribution à l’art pictural au Canada. D’une certaine manière, les coauteurs Benoît Paiement et Bernard Dion ont voulu porter un regard décalé et personnel sur l’Histoire du Québec, ou plutôt du Canada français, comme le dit Paiement, "pour rester fidèle à l’appellation historique qui décrit mieux la réalité de l’époque de Borduas et tout ce qui l’a précédé."
Mais l’homme se défend bien de faire du théâtre politique ou engagé. "Notre seul engagement est envers les mots, et il ne faut pas voir dans les thématiques du spectacle un désir de prendre position ou de réécrire notre Histoire. On s’intéresse au double sens des mots et à leurs qualités sonores, et on avait aussi envie de raconter une histoire, de s’attacher à la narration, chose qu’on n’a pas toujours faite mais qu’on explore de plus en plus, sur le mode farfelu, bien sûr."
N’empêche, en mettant en parallèle une actrice d’aujourd’hui, artiste contemporaine aux prises avec les contraintes de son milieu artistique, et la figure chérie de Paul-Émile Borduas, artiste engagé dont le Refus global a profondément bousculé l’ordre établi, la porte est ouverte aux comparaisons. "Le public pourra interpréter ce qu’il veut, on n’y peut rien. Pour nous, la réflexion sur l’art pictural était remplie de possibilités, on s’amuse à projeter une toile blanche sur scène et à l’accompagner de mots, histoire de faire travailler l’imagination du spectateur et de faire émerger des images."
Avec le metteur en scène Robert Reid, chargé de faire exploser la musicalité du texte et de lui donner corps, les auteurs et les acteurs (Félixe Ross, Christian E. Roy et Christophe Rapin) proposent une sorte de fête de la langue et des corps. "Notre objectif est de mettre les mots en mouvement, mettre les corps des acteurs en mouvement à travers les mots, faire de la poésie sonore. La langue est une matière première, comme l’argile pour le potier ou les couleurs pour le peintre, à laquelle on essaie de greffer du sens par la forme et la mise en bouche."
Sans compter que Reid, qui a suivi des formations de biomécanique, une méthode d’entraînement physique pour les acteurs inventée et popularisée par Meyerhold, est en bonne posture pour exiger de ses acteurs une grande présence physique et une précision méticuleuse dans le geste. Si les spectacles du GPM sont sonores, ils sont aussi chorégraphiques. Une démarche que ne renieraient pas la plupart des surréalistes, comme Borduas d’ailleurs.