Eric Jean : Maison hantée
Scène

Eric Jean : Maison hantée

Pour sa grande première au Théâtre français du Centre national des Arts, le metteur en scène Eric Jean propose, avec Hippocampe, une histoire sensorielle sur un lieu, sa mémoire et ceux qui y ont vécu.

Après avoir marqué la scène montréalaise lors de sa création en 2002, puis avoir attiré moult spectateurs lors d’une reprise plus aboutie cinq ans plus tard, le spectacle sensoriel Hippocampe arrive dans sa version définitive au Théâtre français du CNA.

Il y a longtemps qu’Eric Jean espérait redonner vie à ce texte né d’une carte blanche que lui avait tendue Wajdi Mouawad alors qu’il dirigeait le Quat’Sous. Il restait vraisemblablement chez les co-créateurs Eric Jean et Pascal Brullemans un immense désir d’approfondir la dramaturgie de la pièce, d’en peaufiner l’écriture. "J’avais envie qu’on s’offre ce luxe de pousser Hippocampe plus loin, de le retravailler. C’est l’un des spectacles dont je suis le plus fier à ce jour, mais Pascal et moi n’étions pas pleinement satisfaits du texte." En commençant à répéter le spectacle, Eric Jean a compris pourquoi il avait eu l’instinct de reprendre Hippocampe: "Je me suis rendu compte qu’il y avait plusieurs perceptions différentes du spectacle, que tout ça était très riche. Il y a tellement d’interprétations possibles. Même si c’est maintenant plus limpide qu’à l’époque, il y a encore des gens qui vont faire des liens qui leur seront propres."

Dans le travail d’Eric Jean, une démarche fondée sur l’improvisation, la spontanéité, l’inconscient et l’irrationnel, il y a pour ainsi dire un paradoxe. Comment arriver à construire un spectacle équilibré et cohérent quand son souhait le plus cher est de rompre totalement avec son cerveau gauche? "Il faut trouver le bon dosage, parce que si tu ramènes trop de rationnel tu peux tuer certaines choses. Pour fonctionner de la sorte, il faut avoir une équipe qui te fait vraiment confiance. Des fois je disais aux acteurs d’Hippocampe: "Moi non plus, je ne sais pas ce que ça veut dire, mais faites-moi confiance, c’est intéressant, quelque chose va apparaître." C’est plus tard qu’ils comprenaient pourquoi j’avais gardé ce petit moment qui au départ avait l’air complètement déconnecté du reste."

La preuve que les acteurs d’Eric Jean lui font confiance, c’est qu’ils ont tous accepté de replonger dans les eaux troubles d’Hippocampe, une fresque surréaliste où les souvenirs resurgissent et circulent (de 1966 à 1999) dans la plus grande liberté, une quête d’identité dont la nature fantastique n’est pas sans évoquer le cinéma de Lynch. Au coeur de cette histoire évanescente, il y a avant tout des personnages: Carl (Dominic Anctil), un jeune homme qui emménage dans un appartement truffé de fantômes, un demi sous-sol où il se réveille tous les matins vêtu d’une robe chinoise; Suzanne (Muriel Dutil et Anne-Sylvie Gosselin), sa mère, une femme amnésique et narcoleptique qui est sur le point de renouer avec son passé; Adam (Sacha Samar), le mystérieux propriétaire des lieux; Mélissa (Dominique Quesnel), une attachante prostituée; et finalement Laura (Isabelle Lamontagne) et Romuald (Gaétan Nadeau), deux employés du bar clandestin qui occupait les lieux en 1966.

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Acclamé par la critique

Créée au Quat’Sous en 2002, Hippocampe était la première des créations d’Eric Jean et Pascal Brullemans à être présentée sur la scène d’un théâtre institutionnel. Singulier et pénétrant, le spectacle avait mérité le Prix de la critique, une récompense décernée chaque année par les membres, cette fois-ci montréalais, de l’Association québécoise des critiques de théâtre (AQCT). Dans les pages de Voir, Catherine Hébert avait écrit: "Eric Jean et Pascal Brullemans nous entraînent dans leur sillage entre les murs d’un appartement où des fantômes remontent à la surface, par crainte de périr noyés dans l’oubli. Une expérience théâtrale qui interroge la mémoire et caresse les sens. […] Après Marianne Vague et Camélias, le tandem accouche avec Hippocampe de sa création la plus aboutie. […] Une fascinante excursion dans le labyrinthe de la mémoire en compagnie de comédiens inspirés."