Jean Boillot : Sons et images
La première visite française de la saison à La Chapelle, celle de La Spirale et son spectacle No Way, Veronica, s’annonce délirante et explosive. Rencontre avec le metteur en scène Jean Boillot.
Concert théâtral, radiophonie en direct, cinéma pour les oreilles ou théâtre sonique: aucune étiquette ne semble pouvoir coller à l’animal étrange qui s’en vient à La Chapelle. Après une tournée de plusieurs années en France, La Spirale débarque pour la première fois en Amérique du Nord avec son spectacle phare, une occasion unique pour le public montréalais de découvrir une forme inédite. Déjà, sur papier, le projet est séduisant. Et son metteur en scène Jean Boillot en parle bien.
D’abord musicien, puis acteur diplômé du Conservatoire de Paris, il s’est rapidement tourné vers la mise en scène et a tout de suite recherché des projets à saveur musicale, mais surtout des formes rebelles, des textes qui appellent au défi et à la remise en question de la forme théâtrale. "La compagnie a toujours favorisé la présence de musiciens sur scène, ce qui nous rapproche souvent du concert rock. Il y a dans cette forme une grande liberté formelle que nous recherchons."
No Way, Veronica est une commande, un spectacle créé dans le contexte d’un concert pop, pas du tout destiné à rencontrer un public de théâtre au départ. Il y a en scène deux acteurs (Katia Lewkowicz et Jean-Christophe Quenon), une femme et un homme jouant le rôle de tous les hommes, ainsi qu’un bruiteur (Philippe Lardaud). Et tout ce beau monde est entouré de machines sonores et de micros. "C’est une sorte de machin entre le théâtre musical et le théâtre qu’on pourrait dire sonore, qui prend des airs de concert parce que les trois performeurs sont là, offerts au regard du spectateur, qui ressemble à du cinéma parce que tous les bruitages et les voix sont amplifiés, modifiés et entendus à des valeurs de plan différentes – c’est-à-dire que comme dans le cinéma, on construit l’ensemble des effets sonores en essayant d’être cohérent par rapport à un langage cinématographique, en respectant les valeurs et les échelles."
Cinématographique, sonore, mais aussi complètement délirant. L’auteur, Armando Llamas, fait dans l’humour corrosif et dans les univers à multiples couches de sens et de références. Un bordel irrésistible, semble croire le metteur en scène. "C’est une réécriture, ou un remake du film The Thing de John Carpenter, qui raconte comment des météorologistes vivant en huis clos sont colonisés par un alien et vont disparaître. Llamas reprend à peu de choses près cette histoire, mais l’alien est une femme, les scientifiques sont tous des figures connues du cinéma des années 60 à 80, qu’il recompose à partir d’images, de flashs qu’il a conservés dans sa mémoire de cinéphile."
Puis, Boillot ajoute: "Veronica, la femme qui envahit, va tenter de coloniser ces hommes, mais sera systématiquement refoulée, contrairement au film de Carpenter où l’alien parvient à ses fins. Il y a beaucoup de références à la culture pop, aux films de série B, à la bande dessinée, Astérix par exemple. Llamas flirte avec tout ça, mais aussi avec de la culture ultra-savante. Ça peut donner le vertige, mais en même temps, c’est délicieux."