Kate Champion : Vox pop
La chorégraphe Kate Champion ouvre le cycle australien de la Cinquième Salle avec The Age I’m In, un spectacle plein d’humour qui allie habilement danse, théâtre et technologie.
Force Majeure est la première des trois compagnies australiennes invitées cette année à présenter leur travail à Montréal, et ce n’est pas la moindre. Réunissant des artistes de la danse, du théâtre, des arts visuels et de la littérature, ce collectif fondé en 2002 à Newton jouit déjà d’un beau succès dans son pays et s’est fait remarquer sur plusieurs scènes internationales. Il nous arrive avec The Age I’m In, une oeuvre pour 10 danseurs et acteurs de 15 à 80 ans, qui s’annonce comme un des temps forts de l’automne.
"L’idée du spectacle a plusieurs sources, commente Kate Champion, codirectrice artistique de la compagnie avec le performeur Roz Hervey et le designer Geoff Cobham. On a beaucoup parlé de nos histoires personnelles dans nos créations précédentes, on s’est dit que les artistes avaient peut-être une vision particulière de la vie et on a eu envie de créer une oeuvre que le public puisse relier à du connu, à un voisin, un parent, une connaissance… On voulait aussi représenter un plus large éventail de la population par une plus grande variété d’habiletés dans le mouvement et aussi à travers l’âge, la vulnérabilité et l’innocence."
La création a commencé par une série de 80 entrevues menées auprès de quidams de tous âges et de toutes origines. Champion leur a posé toutes sortes de questions très simples et très ouvertes sur leur perception du monde et d’eux-mêmes. Argent, sexualité, politique, spiritualité, drogue… Tous les grands thèmes y passent et les opinions sont aussi variées que les individus. Après un énorme travail de sélection, l’ex-danseuse a extrait des passages-clés à intégrer au spectacle.
"Certaines personnes abordaient des sujets passionnants de manière très ennuyante tandis que d’autres parlaient de choses très simples avec une qualité de voix ou une façon de s’exprimer qui les rendaient très attrayantes", commente-t-elle. Choisis pour leur qualité sonore ou pour la dimension inattendue des opinions qu’ils expriment, les extraits diffusés sur scène sont repris en lip-synch par les interprètes qui élaborent parfois une gestuelle à même la voix. Sur scène, chacun a sa personnalité et une façon de bouger très personnelle. "Au départ, je n’étais pas sûre de pouvoir utiliser les entrevues de manière théâtrale ou chorégraphique, et finalement, elles ont été comme une piste musicale, presque un script de pièce vraiment très inspirant pour nous tous."
Mosaïque colorée brossant par touches impressionnistes un portrait plutôt cocasse de la société australienne, la pièce offre de très nombreuses occasions de rire aux éclats et quelques-unes, plus rares, d’être ému aux larmes ou de s’interroger sur ses propres convictions. Car elle offre un miroir dans lequel chacun, à un moment ou l’autre, peut voir une image familière.
L’usage intelligent et sensible de la technologie est également un élément qui contribue à l’originalité du spectacle. Acteurs et danseurs s’y déplacent avec des écrans portatifs où se produisent des effets étonnants. Espérons que, conjugués à l’expressivité non verbale des interprètes, ils sauront captiver les spectateurs moins à l’aise avec la langue anglaise.