Dans un décor rose bonbon orné de rideaux de paillettes éclatantes et enveloppé d’une atmosphère ultrakitsch (conçu par Olivier Landreville), Alex Perron joue à fond la carte de l’homosexuel efféminé. Tous les clichés y passent, et il ne se trouve évidemment personne pour s’en étonner. Mais plus que jamais, sa voix haut perchée et son physique un peu androgyne lui servent d’armes de séduction. Un gars c’t’un gars, c’est bien vrai, mais il faut admettre que celui-là est particulier et que, oui, sa particularité vaut le détour. Car il sait en tirer du spectaculaire et du comique en jouant sur la frontière entre la caricature et l’intimité.

Même si le personnage est démesuré, c’est un spectacle très personnel, dont les passages autobiographiques fonctionnent sur le mode autodérisoire. Quoi de mieux que de rire de soi, avec verve et à-propos, pour entraîner le rire de l’autre. Perron a bien compris ça, et son spectacle en use avec énergie et mesure. L’équilibre risque toutefois d’être rompu dans le numéro où il raconte le jour où il a avoué son homosexualité à sa mère. Le sujet est délicat, et on sent bien qu’il n’est pas capable de le réduire à une farce, ce qui rapproche le numéro de la confidence et pourrait le faire sombrer dans la sensiblerie. Il rattrape le tout par des blagues sur son look d’adolescent, photos à l’appui, et par de sympathiques boutades à propos de la tendance télévore de sa mère. Mais c’est limite. Un ou deux mots d’esprit en moins et on aurait basculé dans la psycho pop et la mièvrerie. Une zone dangereuse.

C’est lorsqu’il parle de corps et d’anatomie qu’il réussit à déclencher chez son spectateur un rire moins convenu. En s’amusant à décortiquer et reconstruire le corps humain à sa manière, il mise sur un humour décalé, même un peu étrange. Si le fond demeure banal et ancré dans une certaine quotidienneté, le numéro fait rire parce qu’il sollicite l’imaginaire et emprunte à un humour un peu absurde, improbable.

Pour le reste, c’est du stand-up tel qu’on le connaît, composé d’observations anecdotiques et un peu superficielles sur le monde qui nous entoure: les excès moralisateurs des nutritionnistes, l’obsession de la propreté et le souvenir béni des années 80, par exemple. Mais en général, c’est plutôt drôle, et la finale surprend, même si elle détonne un peu.